Dossiers Énergies renouvelables

L’éolien offshore : produire de l’électricité en mer

Table des matières

Depuis quelques années, les parcs éoliens offshore se multiplient en mer. Ces gigantesques éoliennes, élément clé de la transition énergétique en France, suscitent débat, fascination, mais aussi inquiétudes et crispations. Alors que RTE prévoit le raccordement prochain de 12 nouveaux parcs et considère l’éolien en mer, dans son rapport « Futurs Énergétiques 2050 », comme « l’une des filières les plus prometteuses pour la production d’électricité bas-carbone à long terme », le déploiement de ces géants des mers n’est pas toujours bien accepté, sur fond de conflits avec les pêcheurs, préoccupations touristiques, urgence énergétique et considérations environnementales.

L’interview : Antoine Gaudfernau

Antoine Gaudfernau, responsable d’appels d’offres et spécialiste de l’éolien offshore, a accepté de répondre à nos questions sur l’éolien en mer. Retrouvez son intervention ci-dessous, dans l’épisode #36 de notre podcast « UNITe, l’électricité verte ».

En format vidéo :

Retrouvez le podcast : 

Comment fonctionne un parc éolien en mer ? 

Principes de fonctionnement

Dans les grandes lignes, un parc éolien offshore fonctionne de la même façon qu’un parc éolien sur terre

  • La turbine produit de l’électricité grâce à l’énergie cinétique du vent : le mouvement des pales et du rotor alimente un générateur installé dans la nacelle, couplé à un multiplicateur de vitesse, ce qui génère un courant électrique alternatif (AC).
  • En mer, ce courant est acheminé via des câbles sous-marins vers une station offshore (dite aussi sous-station en mer) qui permet d’élever la tension grâce à un transformateur.
  • Il est ensuite transporté vers un deuxième poste électrique, sur terre, via un ou deux câbles sous-marins. 
  • La tension est ajustée et l’électricité injectée dans le réseau de transport national d’électricité (RTE). 

Pourquoi les éoliennes sont-elles aussi espacées ? 

En France, les éoliennes en mer sont espacées de 1 à 2 km en moyenne

Cette disposition tient compte de plusieurs facteurs :

  • L’aménagement de couloirs de navigation, pour la pêche et la navigation de plaisance.
  • L’effet de sillage : espacer les turbines est essentiel pour que la ressource en vent puisse se reconstituer entre deux éoliennes. Cela permet d’éviter les turbulences et de maximiser ainsi la production électrique du parc. 

Quelles sont les différences entre l’éolien terrestre et l’éolien offshore ? 

  • Une éolienne offshore produit en moyenne 60% d’électricité en plus qu’une éolienne terrestre.
  • Son facteur de charge (rapport entre l’énergie produite durant une période donnée et l’énergie qu’elle aurait pu produire si elle avait fonctionné à 100% de ses capacités) est de 45 à 50%, contre 20 à 30% pour les éoliennes terrestres et 15% pour le photovoltaïque.
  • Moins souvent arrêtées, elles produisent de l’électricité 90% du temps.

Cette différence s’explique principalement par la puissance des vents marins, plus forts et plus constants que sur terre. 

  • Plus les vents sont forts, plus ils sont capables de faire tourner de vastes pales et des éoliennes toujours plus grandes, et plus l’énergie produite sera importante. La puissance des éoliennes offshore tourne autour de 10 à 15 MW, si ce n’est plus, là où celle d’une éolienne terrestre ne dépasse que rarement 2 à 3 MW.
  • La taille des éoliennes en mer a presque doublé en un peu plus d’une décennie. Elles sont désormais presque aussi hautes que la Tour Eiffel, entre 250 et 280 mètres de hauteur.
  • Les éoliennes sont par ailleurs équipées d’un système de contrôle automatisé pour maximiser l’efficacité énergétique en fonction de la force et de la direction du vent. 

Éolien posé vs Éolien flottant 

L’éolien posé en mer

Pour fixer ces turbines géantes sur le fond marin, l’éolien posé est la technologie la plus utilisée dans le monde. Elle est cependant limitée à des zones maritimes n’excédant pas 50 à 60 mètres de profondeur.

  • 90% des installations posées le sont sur monopieux, de grands tubes en acier enfoncés profondément dans le sol par battage. Cette solution a été retenue sur le site de Saint-Nazaire, premier parc éolien offshore français mis en exploitation en 2022.
  • La fondation en « jacket », ou « suction bucket jacket » (SBJ), consiste à utiliser une structure métallique ancrée par pression dans le fond marin. Cette technologie, inspirée des plateformes pétrolières offshore, reste peu répandue et représente moins de 10% des éoliennes installées en mer. 
  • Les fondations gravitaires, très rarement utilisées, sont de très gros blocs d’acier ou de béton déposés au fond de la mer. Ces blocs servent de support aux mâts des éoliennes. Elles ont été choisies en France pour le site de Fécamp, raccordé en 2024.

L’éolien flottant : l’avenir du offshore ?

Déjà testé en Méditerranée, l’éolien flottant consiste à installer les éoliennes sur de puissants flotteurs, fixés au sol marins par des lignes d’ancrage qui les empêchent de dériver. 

Cette technologie, très prometteuse, ouvre la voie à un développement accru de l’éolien en mer, à des distances plus importantes des côtes et dans des zones maritimes qui excèdent la limite des 60 mètres de profondeur

  • Mi-2024, un appel d’offres a été remporté pour le développement du premier parc éolien flottant commercial français, au large de la Bretagne (Bretagne Sud – AO5).
  • Ce parc comportera 13 éoliennes en mer, pour une puissance installée de 250 MW. C’est le premier parc éolien flottant commercial au monde à se voir attribuer un tarif d’achat

Les avantages de cette technologie, outre le potentiel de déploiement et de production électrique supplémentaire, tient à son acceptabilité.

  • En allant plus loin des rivages, l’impact visuel des parcs éoliens est limité, et les problématiques de co-usage, notamment avec le tourisme et la pêche, sont considérablement réduites.

Le coût de cette technologie demeure très élevé, mais la possibilité de « remorquer » une éolienne flottante, sans avoir à la construire en mer pourrait considérablement alléger les coûts d’installation et de maintenance.

Le parc éolien offshore français en 2025

Avec 3500 km de façades maritimes et le deuxième plus important gisement en vent d’Europe (derrière le Royaume Uni), la France dispose d’un potentiel éolien offshore estimé à 220 GW, de quoi alimenter théoriquement 4 fois la population française en électricité ! 

  • À Belfort, en 2022, Emmanuel Macron a fait part d’un objectif ambitieux : installer 50 nouveaux parcs éoliens en mer, avec l’objectif de 40 GW de puissance installée en 2050.

Pour rappel, 95% du parc éolien européen est aujourd’hui partagé entre 5 pays : le Royaume-Uni (44%), l’Allemagne, le Danemark, les Pays-Bas et la Belgique.  

Parcs opérationnels, en construction et en développement

Début 2025, 3 parcs éoliens en mer, d’environ 500 MW, sont opérationnels. 

  • Le parc éolien de Saint-Nazaire est composé de 80 éoliennes, réparties sur 78 km2 à plus de 12 kilomètres des côtes atlantiques. Ouvert en 2022, le parc couvre actuellement 20% de la consommation électrique du département de la Loire-Atlantique.
  • Mis en service en 2023, le parc éolien de Saint-Brieuc est composé de 62 turbines, réparties sur 75 km2 à 16 kilomètres des côtes.
  • Dernier né, le parc éolien de Fécamp a été mis en exploitation en 2024. Avec ses 71 turbines, il couvre à lui tout seul 60% des besoins en électricité du département de la Seine-Maritime. 

Plusieurs parcs sont actuellement en construction ou en développement en France : 

Enfin, divers appels d’offres ont été émis pour de nouveaux parcs. Les lauréats de ces appels d’offres devraient être connus prochainement. 

D’immenses défis techniques, logistiques et sécuritaires

Construire un parc éolien en mer

La construction d’un parc éolien en mer est une opération complexe. Elle nécessite l’intervention de bateaux de levage et de navires spécialisés, dotés de systèmes de positionnement dynamique, qui transportent les différents composants (fondations, mât, nacelle, pâles…) pour les assembler en pleine mer ! Un puzzle géant qui se joue au gré de la houle marine, au centimètre près !  

Maintenance curative et préventive

En phase d’exploitation, la corrosion accélérée des équipements et la maintenance complexe des parcs génèrent des coûts opérationnels plus élevés que pour l’éolien terrestre. 

  • Les éoliennes offshore doivent être inspectées régulièrement pour prévenir toute panne et limiter l’intervention de navires spécialisés.
  • Le risque d’accident ne doit pas être pris à la légère. Le milieu marin est par nature extrêmement hostile : conditions météorologiques extrêmes, vents violents, vagues scélérates, risques sismiques et tsunamis, etc…. 
  • Les câbles sous-marins font l’objet d’une attention toute particulière, surtout si la zone est ouverte au passage des bateaux de pêcheurs et à la navigation de plaisance, comme c’est souvent le cas en France. 

Des enjeux de sécurité maritime

  • Le risque de collision entre les turbines et un bateau, en cas de visibilité limitée, doit être anticipé. 
  • Les parcs éoliens en mer peuvent également être ciblés par des opérations de sabotage, comme cela a récemment été le cas en mer Baltique, sur des câbles de télécommunication.

L’impact environnemental de l’éolien offshore sur la biodiversité marine et les fonds marins

Études préalables et suivi environnemental

Avant toute installation, les parcs offshore sont soumis aux mêmes pré-requis environnementaux que les parcs terrestres. La construction d’un réseau de câbles sous-marins et la présence des turbines engendrent inévitablement des impacts écologiques et environnementaux, qu’il faut connaître et quantifier.

  • Une étude d’impact environnemental (EIE) est systématiquement réalisée pour identifier et quantifier les impacts du parc éolien sur la faune, la flore, les sédiments et le plancher océanique.
  • Des mesures ERC (Éviter, Réduire, Compenser) sont ensuite proposées pour minimiser ces impacts au maximum, en prenant en compte le risque d’impacts cumulés en cas de multiplication des parcs le long de la côte.
  • Le cas échéant, les porteurs de projet peuvent travailler avec des associations de protection environnementale pour réfléchir aux meilleures solutions. 
  • Créé en 2022, l’Observatoire national de l’Éolien en Mer a été chargé, entre autres, d’améliorer les connaissances sur l’impact des éoliennes en mer, en collaboration avec l’Office français de la biodiversité » (OFB) et l’institut français pour la recherche et l’exploitation de la mer (Ifremer).

La pollution sonore sous-marine 

En phase de construction, une problématique bien connue est celle du battage des pieux. Le bruit sourd (supérieur à 145 dB), généré par les coups répétés pour enfoncer les pieux dans le sol, peut perturber les cétacés et les mammifères marins, particulièrement sensibles aux ondes acoustiques. L’éolien posé sur monopieux représente actuellement 90% des éoliennes installées dans le monde. 

Des solutions existent pour limiter ces nuisances. 

  • Le niveau de bruit peut être augmenté très progressivement, afin de faire fuir les espèces sensibles avant de les blesser. 
  • Il est possible de générer des rideaux de bulles, ou mur d’eau, pour amortir le son. 
  • Les travaux doivent évidemment être arrêtés pendant les phases identifiées comme sensibles, comme les périodes de  mise-bas ou de reproduction des espèces protégées. 

Il apparaît aujourd’hui que ces dispositifs d’effarouchement sont plutôt efficaces. Les écologues observent généralement un retour des espèces marines (poissons, crustacés, mammifères…), pendant la phase d’exploitation du site, généralement quelques années après. 

Un effet récif artificiel

Si l’ancrage des structures, dans un premier temps, perturbe les habitats benthiques, les sédiments et le plancher océanique, des effets positifs à moyen / long terme ont été observés sur les parcs éoliens en exploitation.

  • De nombreuses espèces (moules, algues, anémones, etc…) viennent se fixer sur les structures immergées, ce qui engendre un effet récif artificiel et favorise la biodiversité sur site (ressources nouvelles pour les espèces halieutiques). Le même phénomène peut être observé sur les épaves de navires au fond des océans.
  • Si le parc est interdit à la pêche, un effet réserve peut être observé, avec une augmentation des stocks halieutiques et des populations marines.  

Ondes électromagnétiques, chiroptères et oiseaux

  • Comme pour les éoliennes terrestres, certains défenseurs de l’environnement pointent le risque accru pour l’avifaune, plus exactement le risque de collision avec les pales des éoliennes qui tournent à grande vitesse. Ce risque concerne principalement les oiseaux migrateurs, les oiseaux côtiers (goélands, fous de bassan, etc…) et les chauves-souris qui chassent et se reproduisent dans la zone. 
  • La question des ondes électromagnétiques est également débattue : les vibrations engendrées par  le passage du courant dans les câbles sont accusées de perturber les sonars internes des mammifères marins et de troubler leurs migrations.

La quantification des impacts des éoliennes sur les écosystèmes marins est un sujet âprement débattu. A ce jour, les études réalisées sur site se montrent rassurantes, notamment pour les oiseaux et les chiroptères. Si aucune énergie n’est exempte d’impact environnemental, les énergies « vertes » renouvelables, comme le photovoltaïque, l’éolien terrestre et l’éolien offshore, mettent tout en œuvre pour le limiter

Partager l’espace marin : le défi du co-usage

L’acceptabilité des grands parcs en mer ne repose pas que sur la performance énergétique et l’impact environnemental des éoliennes. Elle tient aussi à la bonne cohabitation des installations énergétiques avec d’autres professionnels et usagers de la mer, et à l’importance de préserver l’attractivité des territoires littoraux

  • Les pêcheurs, dont l’activité est déjà fortement impactée par la raréfaction des ressources halieutiques, redoutent que les parcs offshore les privent de zones de pêche essentielles pour le chalutage ou la pêche à la drague. Ils s’inquiètent aussi des potentiels impacts négatifs des parcs éoliens sur la biodiversité marine et ne voient pas toujours d’un très bon œil la multiplication des projets sur les côtes. 
  • C’est aussi l’altération du paysage et du panorama côtier qui pose problème. Pour les professionnels du tourisme balnéaire, soutenus par certains élus, la multiplication des éoliennes au large nuit à l’attrait touristique de certaines régions. La préservation du patrimoine paysager et de la beauté naturelle des côtes françaises est souvent invoquée pour s’opposer aux nouveaux projets. 

Pour répondre aux critiques et sensibiliser le public, plusieurs initiatives ont vu le jour. À Fécamp et à Saint-Nazaire, des promenades découvertes en bateau sont organisées à l’intérieur des parcs, afin de permettre aux curieux d’en apprendre plus sur le fonctionnement des turbines et de se familiariser avec ce nouveau type d‘énergie.  

L’acceptabilité sociétale passe aussi par les perspectives de développement territorial, en termes d’emplois, de formations et de revalorisation industrielle. Débat public, dialogue et concertation, comme toujours, doivent permettre de trouver des compromis acceptables.

Liste des défis que rencontrent l'éolien offshore, : logistique complexe, éolien flottant, biodiversité marine, co-usage.

Conclusion

L’éolien offshore, comme le solaire photovoltaïque, s’impose aujourd’hui comme une énergie essentielle pour atteindre les objectifs de décarbonation du mix énergétique français. Après des années de retard, les projets se multiplient sur toutes les façades maritimes du pays. 

Le déploiement de l’énergie éolienne offshore, capable d’injecter toujours plus d’électricité verte dans le réseau, doit cependant s’accompagner d’un effort constant pour préserver la biodiversité marine et garantir une cohabitation harmonieuse avec les autres usagers de la mer. C’est une condition sine qua non de leur acceptabilité sociétale, pour que ces projets puissent se développer en bonne intelligence. 

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