Dossiers

Les batteries au lithium-ion : une technologie clé pour stocker l’électricité issue des EnR

Table des matières

Dans un contexte où les énergies renouvelables (EnR) prennent de plus en plus de place dans le mix énergétique français, le besoin de technologies de stockage d’électricité se fait de plus en plus sentir. Sur ce nouveau marché, les batteries lithium-ion s’imposent comme une solution particulièrement attractive, pour leur capacité à s’adapter à de multiples usages. 

Les enjeux du stockage d’électricité : le défi de demain. 

Compenser l’intermittence des énergies renouvelables

Les énergies renouvelables, comme le solaire photovoltaïque et l’éolien, ne produisent pas à toutes les heures de la journée. Elles sont dites intermittentes, car leur production dépend des conditions météorologiques et, dans le cas du solaire, de l’alternance jour/nuit. Ces fluctuations rendent difficile la gestion de l’offre énergétique en temps réel. 

  • Lors des pics de production, les technologies de stockage peuvent être utilisées pour stocker l’électricité produite en surplus, quand les conditions sont favorables et que la consommation électrique est faible. 
  • A contrario, quand la production est insuffisante par rapport à la demande (pics de consommation), il est possible de restituer l’électricité stockée, afin d’assurer un approvisionnement continu. 

Réguler la fréquence du réseau électrique : la crainte du black-out

Ce décalage entre la production et la consommation de l’électricité a des conséquences sur la fréquence du réseau électrique. En France, cette fréquence est de 50 hertz. Elle doit constamment être ajustée, sous peine de dérégler le système. 

  • Si la production électrique est supérieure à la consommation, la fréquence du réseau augmente.
  • Dans le cas contraire, si la demande d’électricité est supérieure à la production électrique, la fréquence diminue (risque de coupure d’électricité). 

Stocker le surplus d’électricité et le restituer au besoin offre donc un levier fondamental pour la régulation du réseau électrique. Le lissage des variations, qui se joue parfois à l’échelle de la milliseconde, permet d’équilibrer et de stabiliser la fréquence, d’éviter les congestions et de prévenir le risque de coupures et de pannes de courant

  • Le 9 août 2019, au Royaume-Uni, la défaillance conjointe d’une centrale au gaz et d’un parc éolien a entraîné une panne électrique géante qui a totalement paralysé la capitale, Londres, ainsi qu’une grande partie du sud de l’Angleterre. 
  • Pour le réseau de transport français (RTE), disposer d’importantes réserves de puissance électrique est une précaution nécessaire pour prévenir ce type de scénario. 

Vers une intégration massive des EnR dans le réseau électrique

Le projet RINGO, développé par RTE (Réseau de Transport d’Électricité) et mis en service en 2021 sur trois sites interconnectés, est un démonstrateur innovant basé sur le déploiement de batteries de stockage stationnaire raccordées au réseau

  • Ces batteries sont capables de stocker ou d’injecter l’énergie produite par les parcs de production d’énergie renouvelable, en fonction des besoins. 
  • Le système, qui est entièrement automatisé, est une première mondiale. L’algorithme, développé par RTE, permet d’analyser en temps réel les données numériques du réseau pour ajuster l’offre et la demande. 

RINGO, dont l’expérimentation doit s’achever en 2025, représente une étape clé dans l’intégration de plus en plus forte des énergies renouvelables au mix énergétique. Il anticipe la nécessaire transformation de  notre réseau pour répondre aux défis de la transition énergétique. 

Développer les technologies de stockage est aussi un enjeu important pour les territoires isolés et les zones qui ne sont pas inter-connectées, comme les îles d’outre-mer qui doivent avoir recours aux énergies fossiles quand leurs centrales EnR sont à l’arrêt.

Les solutions actuelles de stockage d’électricité

Il existe de multiples technologies de stockage, mais les plus couramment utilisées en 2024 sont les suivantes : 

Les STEP

Les Stations de Transfert d’Energie par Pompage sont des installations hydroélectriques qui stockent de l’énergie en pompant l’eau d’un bassin inférieur vers un bassin supérieur. Quand la demande d’électricité est élevée, l’eau est relâchée vers le bassin inférieur en passant par des turbines, ce qui génère de l’électricité. Cette technologie de stockage, très ancienne, est la plus répandue dans le monde. Elle permet de stocker de très grandes quantités d’énergie, mais son déploiement est désormais limité car le nombre de sites pertinents est limité. Il existe 6 STEP en France. 

L’air comprimé (CAES)

Le stockage d’énergie par air comprimé consiste à comprimer de l’air et à le stocker dans des cavités souterraines. Cet air est ensuite libéré et réchauffé, ce qui entraîne une turbine et produit de l’électricité. Comme les STEP, les CAES (Compressed Air Energy Storage) sont des installations complexes à mettre en place et très gourmandes en énergie. 

Les volants d’inertie

Les volants d’inertie stockent l’énergie sous forme de rotation mécanique. Une masse cylindrique, placée sous vide, est mise en rotation à très grande vitesse. L’électricité peut être restituée en quelques minutes par la mise en marche d’un générateur/alternateur. Les volants d’inertie sont particulièrement efficaces pour des besoins de stockage court terme et pour stabiliser les réseaux électriques. 

Power to Gaz : l’hydrogène vert

L’hydrogène vert est produit par électrolyse de l’eau, un processus qui sépare les molécules d’oxygène et d’hydrogène en utilisant un courant électrique issu des énergies renouvelables. L’hydrogène est ensuite stocké avant d’être utilisé comme combustible propre pour produire de l’électricité. 

Les batteries électrochimiques

Le stockage électrochimique (piles, batteries…) repose sur la circulation réversible des ions et électrons entre deux électrodes (positive et négative) plongées dans une solution électrolyte. C’est à cette catégorie de stockage qu’appartiennent les fameuses batteries lithium-ion, utilisées dans les appareils mobiles, les véhicules électriques et les centrales de stockage stationnaire par batteries.

L’interview : Xavier Permingeat

Dans l’épisode de notre podcast, Xavier Permingeat, directeur d’activité photovoltaïque chez UNITe, revient sur les enjeux qui entourent le stockage d’électricité et s’attarde sur les technologies existantes.

En format vidéo :

Retrouvez le podcast :

 

Les avantages et les inconvénients des batteries au lithium

Technologie reine du stockage embarqué, le lithium-ion présente de nombreux avantages. 

  • Forte densité énergétique : les batteries au lithium permettent de stocker une grande quantité d’énergie pour un poids et un volume relativement peu élevés. 
  • Taux de perte inférieur à 10% : la déperdition énergétique lors des cycles de charge et de décharge est extrêmement faible (de l’ordre de 8%), contrairement à d’autres technologies comme l’hydrogène où ce taux avoisine les 70%.
  • Polyvalence : la technologie lithium-ion répond aux besoins des applications mobiles (ordinateurs, smartphones, batteries de voitures électrique, etc…) mais aussi aux contraintes du stockage stationnaire (centrales de stockage stationnaires par batteries, batterie individuelle pour usage domestique et résidentiel). 
  • Facilité de déploiement à grande échelle : d’importantes capacités de stockage peuvent être installées rapidement sous forme de locaux batteries, un ensemble de containers branchés en série et installés à proximité de sites de production d’énergie solaire ou éolienne. 

Ces atouts vont cependant de pair avec un certain nombre de désavantages. 

  • Une ressource rare : à l’heure actuelle, la production mondiale de lithium est assurée à près de 70% par deux pays producteurs, l’Australie et le Chili, suivis par la Chine et l’Argentine. Au regard des aléas géopolitiques et économiques, l’approvisionnement en lithium n’est pas garanti. 
  • Fort impact environnemental : l’extraction du lithium est énergivore, polluante et consommatrice d’eau. Les roches qui contiennent  « l’or blanc » sont broyées, puis de l’eau et des produits chimiques sont ajoutés pour former une pâte. Après filtration, la poudre de lithium est chauffée à près de 1000°C pour être raffinée. Une autre méthode, qui consiste à extraire le lithium de la saumure, nécessite d’immenses quantités d’eau, une ressource en voie de raréfaction. D’autres techniques, dites d’  « extraction directe », sont en cours de développement et pourraient à terme diminuer l’impact environnemental de cette technologie. 
  • Le taux de recyclage des batteries au lithium est encore faible, et les capacités de la filière insuffisantes au regard de la croissance du secteur. Le recyclage des batteries de voitures électriques en batteries domestiques est l’une des pistes envisagées pour donner une seconde vie aux batteries usagées. 
  • Sensibilité à la température et risque d’incendies : la performance et la durée de vie des batteries lithium-ion peuvent être fortement impactées en cas de  variations de température.

Avantages et inconvénients du lithium pour le stockage d'électricité par batteries

Une mine de Lithium en France ? 

La découverte d’un colossal gisement de lithium en France, sur une site d’extraction de kaolin dans l’Allier, pourrait néanmoins changer partiellement la donne. 

  • La perspective de miner le lithium directement en France, sans avoir à l’importer depuis le Chili, l’Australie ou la Chine, fait miroiter le déploiement d’une nouvelle chaîne industrielle française, capable de produire 700 000 batteries de voitures électriques chaque année. 
  • Le projet, soutenu par Imerys, l’entreprise propriétaire, et RTE, suscite l’inquiétude et la colère des défenseurs de l’environnement. 
  • Un débat public a été organisé, dans l’attente d’une potentielle mise en exploitation en 2028

De possibles alternatives portent sur d’autres technologies, comme les batteries au sodium-ion, dont le premier prototype a été présenté en 2017 par la startup française Tiamat (en collaboration avec le CNRS et le CEA). Contrairement au lithium, le sodium est un matériau que l’on retrouve en abondance sur terre, et même dans l’eau de mer ! 

 

Autoconsommation et batteries domestiques 

Un levier essentiel pour atteindre l’autoconsommation totale

Pour les particuliers qui ont doté leur habitation de panneaux solaires en toiture, le décalage entre les heures de production des panneaux (milieu de journée) et les pics de consommation (matin et soir) est un frein à l’autoconsommation totale

  • Le particulier demeure dépendant du réseau Enedis, sachant qu’un domicile équipé de panneaux solaires atteint en moyenne seulement 20 à 45% d’autoconsommation. 

Dans ces conditions, stocker l’électricité dans un dispositif de type batterie pour la réutiliser pendant les pics de consommation permet, en théorie, de ne plus dépendre du réseau de distribution puisque l’on peut consommer sa propre production électrique en décalé.

  • Un système panneaux solaires + batterie fait passer le taux d’autoconsommation à 70% en moyenne, voire à 100% dans certaines régions à certaines périodes de l’année. 
  • Selon la capacité de la batterie, le mode de chauffage et la taille du logement, une batterie domestique peut alimenter une maison quelques heures voire une journée entière. C’est également un bon dispositif pour se prémunir des pannes.  

Note : En France, même sans batterie, un particulier peut tout à fait tirer parti de son installation photovoltaïque, puisqu’il peut revendre le surplus d’électricité à EDF OA (Obligation d’Achat), ou équivalent, et faire ainsi des économies sur sa facture d’électricité.

Investir dans une batterie domestique est-il rentable ? 

Sur le marché du stockage domestique, les batteries lithium-ion se sont imposées. Elles ont remplacé les batteries solaires au plomb, lourdes et toxiques, et offrent un bien meilleur rendement énergétique. Encore chères, les batteries lithium voient néanmoins leur prix dégringoler depuis quelques années. 

  • En 2024, ce prix oscille entre 4 000 et 10 000 €, installation comprise, et varie selon la capacité de stockage, le modèle et la marque de la batterie.  

Dans plusieurs pays européens, notamment en Allemagne, la hausse spectaculaire des prix de l’électricité a entraîné une explosion du marché de la batterie domestique. Depuis le lancement en 2015 de la première batterie domestique (Powerwall de Tesla), les solutions de stockage d’électricité à domicile se sont multipliées. Tesla, LG, Solarwatt, Nissan, Mercedes-Benz, Huawei, Engie, EDF… Même la chaîne suédoise IKEA s’y est mise !

  • Dans ce domaine, le marché bénéficie de la forte dynamique du secteur automobile qui développe des batteries au lithium embarquées pour les voitures hybrides ou électriques (Tesla, Nissan, Mercedes Benz, etc…).
  • Les batteries domestiques offrent d’ailleurs un débouché pour le recyclage des batteries de véhicules électriques, qui ont souvent peu servi et qui se recyclent très bien en batterie statique. 

Ces dernières années, des solutions clé-en-main sont apparues, comprenant l’installation de panneaux solaires couplés à un dispositif de stockage. 

En France, on observe cependant que le marché de la batterie domestique ne s’est pas développé aussi spectaculairement. 

  • Cela s’explique par un coût de revient encore trop cher, comparativement au prix du kilowatt-heure sur le réseau public (qui est l’un des plus bas d’Europe) et au tarif Obligation d’Achat garanti par l’Etat pour ceux qui souhaitent revendre leur surplus de production. 
  • Notre pays est en effet moins dépendant des énergies fossiles que d’autres pays européens, grâce à l’importance historique du nucléaire qui a permis de limiter en partie la hausse des tarifs.

La situation pourrait néanmoins changer dans les prochaines années. Les tarifs de l’électricité continuent d’augmenter, et l’intégration croissante des EnR dans le mix énergétique nécessite des investissements considérables pour adapter notre réseau électrique. Le prix des batteries lithium-ion, quant à lui, continue de baisser. Il est donc tout à fait possible d’envisager un scénario dans lequel il serait plus rentable de produire totalement sa propre énergie et de la stocker, plutôt que de faire appel au réseau national. 

Conclusion

Au regard des évolutions actuelles, le futur de l’énergie passera nécessairement par le déploiement à grande échelle de technologies de stockage. L’irruption des énergies renouvelables intermittentes dans le mix énergétique, la nécessité d’assurer la stabilité et la flexibilité du réseau et le besoin de plus en plus affirmé d’autonomie énergétique et d’autoconsommation, offrent de belles perspectives pour le développement des batteries au lithium-ion, qui joueront certainement un rôle central dans le paysage énergétique de demain. 

Vous êtes propriétaire d'un terrain que vous souhaitez rentabiliser ?