Table des matières
Énergie hydraulique, énergie éolienne, énergie solaire… Ces quelques électricités vertes ne font pas toujours l’unanimité aux yeux des écologistes. A raison, ces derniers leurs reprochent parfois un impact négatif sur les sites où ils sont implantés.
Pour autant, est ce que ce sont de mauvaises solutions ? Faisons le point.
Notre experte : Manon Lamboley
Manon Lamboley, Ingénieur Environnement et responsable hydraulique et environnement chez UNITe, nous donne quelques éléments de réponse.
L’interview
Au format vidéo :
Retrouvez le podcast :
- Sur Apple podcast
- Sur Spotify
- Sur votre lecteur préféré
Transcript de l’interview :
Maryan :
Bonjour à tous et bienvenue dans le podcast de UNITe, dédié aux énergies vertes. Je suis Maryan Terrace et aujourd’hui notre invitée experte est Manon Lamboley. Elle est ingénieure en environnement et responsable hydraulique et environnement chez UNITe. Bonjour Manon.
Manon :
Bonjour Maryan.
Un point de vue sur l’écologie
Maryan :
Aujourd’hui, nous discuterons de tes convictions écologiques et de ton opinion sur l’énergie verte. Mais avant de commencer, pourrais-tu te présenter de nouveau pour ceux qui n’ont pas écouté le précédent épisode où tu es intervenue ? Et une fois cela fait, pourrais-tu nous donner ton point de vue sur l’écologie d’un point de vue personnel ?
Manon :
Bien sûr. Je m’appelle Manon Lamboley, je suis effectivement ingénieure en environnement et je travaille chez UNITe. Je suis originaire des Vosges, dans l’est de la France. J’ai grandi entourée de forêts, rivières et truites. J’ai toujours aimé l’humidité, la mousse et la proximité avec la nature. Cela m’a poussée vers un engagement personnel et professionnel profond. À titre personnel, j’ai toujours eu un impact militant sur mon environnement.
Pour une petite anecdote, étant adolescente, j’organisais des ramassages de déchets. C’était moins courant il y a 10 ou 15 ans. On me connaissait aussi pour rappeler aux parents de couper leurs moteurs devant les écoles en attendant leurs enfants. Mon but était de protéger la planète dès mon plus jeune âge, même si mes parents n’avaient pas cette sensibilité.
En grandissant, j’ai souhaité trouver un travail ayant du sens, axé sur le développement durable. La notion de « faire sa part » m’a toujours parlé. Aujourd’hui, en tant qu’ingénieure en environnement, je cherche à influencer positivement le monde qui m’entoure.
Comment considérer le mix énergétique Français ?
Maryan :
Très bien. Tu nous as donné un aperçu de ton engagement personnel et de ta vie professionnelle. À titre professionnel, peux-tu nous donner ton avis sur les énergies renouvelables et le mix énergétique, notamment le mix énergétique français ?
Manon :
Alors, à UNITe, comme je l’avais évoqué lors du précédent podcast, j’analyse, j’accompagne et je trouve des solutions pour les projets ayant un impact sur l’environnement, l’homme et le cadre légal environnemental. Mon travail allie l’environnement, la réglementation, la technique, et la gestion de projet. Ce métier est loin d’être monotone.
Pour citer Paulo Coelho : « Si vous pensez que l’aventure est dangereuse, essayez la routine, elle est mortelle ». Concernant le mix énergétique, je suggérerais d’approfondir les avantages et inconvénients de chaque énergie.
Quels sont les avantages et les inconvénients de l’énergie hydroélectrique
Maryan :
Alors, commençons par ton domaine d’expertise : l’énergie hydroélectrique. Peux-tu nous énumérer les avantages et les inconvénients de cette énergie ? Nous parlerons ensuite du mix énergétique global et des autres formes d’énergie.
Manon :
Effectivement, l’hydroélectricité est mon domaine d’expertise. Comme je l’ai mentionné dans le podcast précédent, aucune source d’énergie n’est sans impact. Cependant, l’hydroélectricité présente de nombreux avantages :
Avantages :
- C’est une énergie non intermittente, contrairement à d’autres énergies renouvelables.
- Elle n’utilise pas l’eau comme ressource mais la fait simplement transiter à travers des turbines.
- Il n’y a pas de pollution de l’eau ni de changement de température. L’eau est simplement utilisée pour sa puissance, puis elle est restituée sans déchets.
- C’est aussi une énergie à faible émission de carbone, sans utilisation de métaux rares ni de combustibles fossiles.
- Malgré son ancienneté, c’est l’énergie avec le meilleur rendement aujourd’hui, même comparée au nucléaire.
- L’hydroélectricité est aussi bénéfique pour l’économie locale. Elle offre des emplois, en particulier dans les régions rurales, et génère des revenus pour les communes via des taxes et des impôts. En 2020, elle a généré 1500 millions d’euros en recettes publiques.
- Il y a également un aspect patrimonial à considérer. L’hydroélectricité permet la préservation de bâtiments anciens qui font partie de notre histoire et de nos villages. De plus, les études environnementales financées par les hydroélectriciens enrichissent nos connaissances sur la faune et la flore locales.
- En termes d’utilisation, l’hydroélectricité est principalement utilisée en hiver, coïncidant avec des niveaux d’eau élevés et une demande accrue d’électricité.
- Elle offre aussi d’autres services, comme :
- le refroidissement des centrales nucléaires,
- l’irrigation agricole,
- et même la création de conditions favorables pour certains sports comme le canoë ou le rafting. De grands lacs hydroélectriques sont également devenus des destinations touristiques majeures.
Maryan :
Tu as mentionné des impacts négatifs. Quels sont, selon toi, les avantages et les inconvénients de l’hydroélectricité pour l’environnement ?
Manon :
Effectivement, l’hydroélectricité présente de nombreux avantages. Mais il y a aussi des impacts négatifs.
Inconvénients de l’hydroélectricité :
Pour simplifier, je parlerais de la problématique « Poissons-Cailloux ».
- Du côté des poissons, il s’agit de l’impact sur le milieu aquatique, pas seulement les poissons, mais tout l’écosystème interagissant avec le milieu aquatique. Prélever de l’eau et la restituer modifie les débits, influençant les habitats aquatiques et les migrations des poissons.
- En ce qui concerne les « cailloux », certains barrages retiennent les sédiments, empêchant leur transit vers l’aval et la mer, pouvant causer des problèmes d’érosion.
Toutefois, il est essentiel de distinguer entre la grande et la petite hydroélectricité. Les centrales avec lesquelles je travaille sont principalement de petites installations. Les impacts sont donc différents selon la taille de l’installation.
Avenir de l’hydroélectricité face au réchauffement climatique
Maryan :
Alors, avant de continuer sur les autres énergies, j’aimerais revenir sur l’hydroélectricité, sujet du dernier épisode. Peux-tu m’éclairer sur son impact face au réchauffement climatique ? La France va être fortement impactée par les changements climatiques, avec une augmentation des températures et potentiellement moins d’eau. Penses-tu que cela affectera l’hydroélectricité en France ?
Manon :
Effectivement, le changement climatique influe sur l’hydroélectricité. Nous avons remarqué des changements dans les ressources en eau, notamment en 2022. Les niveaux d’eau sont actuellement bas. On parle souvent des nappes phréatiques qui ont du mal à se recharger. Il y a l’eau souterraine et l’eau de surface, deux éléments distincts.
Concernant l’hydroélectricité, nous parlons principalement de l’eau de surface. Si l’an dernier a été atypique avec moins d’eau, les volumes annuels d’eau restent relativement constants sur nos cours d’eau, mais ils se répartissent différemment sur l’année.
Le défi majeur est la gestion des épisodes pluvieux intenses et des sécheresses prolongées avec des températures caniculaires.
L’enjeu est d’adapter notre manière de turbiner et d’être prêts à exploiter l’eau lorsqu’elle est disponible. Nous réfléchissons actuellement à nos stratégies pour les 20, 30, voire 50 prochaines années. Les prévisions sont complexes, avec de nombreux scénarios possibles. Cependant, même si les volumes d’eau resteront globalement constants, leur répartition sera différente tout au long de l’année.
Ecologie et électricité verte : un problème complexe
Maryan :
De fait, certains écologistes arguent qu’un barrage, malgré sa contribution à la production d’électricité verte, n’est pas vraiment écologique. Ils pointent du doigt l’impact sur le site, sur l’écosystème aquatique, et notamment sur les poissons. Cela soulève de nouvelles problématiques en écologie.
Avant, la ligne de démarcation était claire : d’un côté, les industriels, de l’autre, les écologistes. Ces derniers semblaient unis dans leurs critiques sur les problèmes environnementaux tels que le réchauffement climatique et le trou dans la couche d’ozone.
Aujourd’hui, la question de l’écologie est plus nuancée. Une action peut être à la fois bénéfique et nuisible pour l’environnement selon différents points de vue. Prenons l’exemple des barrages hydroélectriques. Bien qu’ils produisent une énergie verte, certains contestent leur impact écologique. Quelle est ta vision de la situation ?
Manon :
Effectivement, l’hydroélectricité, comme les autres énergies renouvelables, est critiquée. Il y a des arguments pour et contre, et certains sont tiraillés entre ces deux positions. J’ai moi-même été confrontée à ce dilemme au début de ma carrière. Je cherchais un métier porteur de sens, mais je me demandais si je faisais réellement du bien à la planète. Il est à noter que la majorité des Français sont favorables à l’hydroélectricité. Dans une récente consultation publique, 80% étaient en faveur.
L’hydroélectricité est souvent éclipsée par d’autres énergies renouvelables comme le photovoltaïque ou l’éolien. Toutefois, elle a sa place dans le mix énergétique. Il est essentiel de protéger l’environnement, mais nous devons également prendre en compte notre besoin croissant d’énergie. La question est de savoir comment la produire.
Il y a un paradoxe apparent. Beaucoup sont pour les énergies renouvelables mais sont contre l’implantation d’éoliennes, de champs photovoltaïques ou de barrages près de chez eux. Cette attitude est résumée par l’expression anglaise « Not in my backyard ».
Nous devons être informés et éviter de généraliser. Par exemple, dire que l’hydroélectricité tue tous les poissons est faux. De même, tous les projets photovoltaïques ne nécessitent pas de déforestation. Les avis sont souvent polarisés, rendant les discussions constructives difficiles.
En fin de compte, je pense que toutes les énergies renouvelables ont leur place. Chaque région devrait utiliser les ressources qui lui conviennent le mieux. Dans les montagnes, il serait insensé de ne pas exploiter l’hydroélectricité, tandis que d’autres régions pourraient être mieux adaptées au photovoltaïque. Toutes ces énergies ont des avantages et des inconvénients. L’essentiel est d’avancer avec le plus d’informations possibles.
Le mix énergétique Français
Maryan :
Oui, il y a un point à soulever à ce sujet qui concerne une question complexe. Lorsque des individus apportent des réponses simples et dogmatiques et refusent d’entrer dans la nuance, généralement, ce n’est pas bon signe. Et cela est valable en écologie comme ailleurs.
Cela nous amène à la question du mix énergétique français. Pour que les auditeurs puissent bien comprendre, reprends-moi, Manon, si je commets des erreurs.
Dans le mix énergétique global français, nous avons :
Infographie mix énergétique Français :
Manon :
Non, je ne vais pas te corriger. J’ai des chiffres très similaires aux tiens, peut-être avec une légère variation.
Ce qui est frappant, c’est la prédominance du nucléaire en France, ce qui est unique comparé à d’autres pays.
En France, l’hydroélectricité est notre première source d’énergie renouvelable. Elle occupe la deuxième place en termes de production électrique, donc elle est loin d’être négligeable.
À l’échelle mondiale, c’est différent. L’hydroélectricité est la troisième source de production électrique, derrière le charbon, qui, bien que presque abandonné en France, représente encore 40% de la production mondiale, suivie du gaz à 19%.
Cela montre que l’équilibre énergétique en France est différent et nettement moins polluant. L’hydroélectricité, qui est très ancienne et fut la première énergie renouvelable développée, continue de jouer un rôle majeur. Elle constitue toujours la base de notre production, avec de nouvelles sources d’énergie qui émergent et compensent leurs intermittences selon le jour, la nuit, les saisons, etc.
Comme toi, je suis surprise de constater que le solaire est encore loin derrière l’éolien. Je pensais qu’ils étaient plus proches en termes de production. Il y a presque un facteur deux entre les deux. J’espère donc que Xavier Permingeat mettra l’accent sur le développement du solaire pour rattraper l’éolien rapidement.
Maryan :
Alors, pour ceux qui se demandent qui est Xavier, c’est l’expert le plus régulièrement interrogé sur le podcast. Vous pouvez écouter les épisodes précédents pour l’entendre. Il est très intéressant.
La Fable du Colibris
Maryan :
Revenons-en à nos moutons, nous avons brièvement abordé le mix énergétique. Parlons de ta vision écolo. Tu l’as mentionné très rapidement en introduction, mais je l’ai noté car tu m’en avais déjà parlé : la fable du colibri. Peux-tu nous en parler ?
Manon :
La fable du Colibri ? Je ne pourrais pas la citer textuellement…
Maryan :
Pas de souci, je le ferai pour toi, je l’ai sous les yeux.
Manon :
Dans ce cas, je t’écoute, et je rebondirai ensuite.
Maryan :
La Fable :
C’est une légende, souvent attribuée à un conte amérindien.
Selon cette légende, un gigantesque incendie ravageait la forêt. Tous les animaux, terrifiés et atterrés, assistaient impuissants à la tragédie. Seul le petit colibri s’agitait, transportant des gouttes d’eau dans son bec pour les déverser sur les flammes. À un moment, le tatou, exaspéré par cette agitation vaine à ses yeux, interpelle le colibri : « Pourquoi t’acharner ainsi ? Crois-tu vraiment éteindre l’incendie avec ces gouttes ? » Le colibri répond simplement : « Je le sais, mais je fais ma part. » .
C’est cela, la fable du colibri. Je sais que tu en as parlé précédemment, et qu’elle résonne en toi. Peux-tu nous dire pourquoi, en lien avec l’écologie ?
Manon :
En matière d’écologie, je vois deux dimensions : professionnelle et personnelle. Professionnellement parlant, j’ai souhaité exercer un métier porteur de sens, engagé, qui contribue positivement à notre monde. Je crois que chacun peut faire ce choix, que ce soit dans sa carrière actuelle ou en envisageant une conversion. Ce serait d’ailleurs un bon sujet pour un autre podcast. Moi, j’ai choisi de travailler chez UNITe pour changer les choses, pour proposer des solutions d’énergie renouvelable, pour combattre le réchauffement climatique à ma manière, selon les moyens qui sont à ma disposition. C’est ma contribution, ma « part de colibri ». Je sais que je ne vais pas sauver le monde à moi seule, mais chaque jour, je m’efforce de faire avancer les choses, de proposer des alternatives, des solutions.
Maryan :
Excuse-moi de te couper, mais cela me rappelle l’épisode avec Sylvain Bacquer sur l’autonomie électrique. C’était un témoignage de reconversion professionnelle. Bref, continue.
Manon :
Comme je le disais, c’est crucial pour moi d’avoir un métier engagé. Je crois que chacun d’entre nous peut orienter sa carrière dans cette direction, soit en choisissant initialement un métier aligné avec ses valeurs, soit en évoluant ou se convertissant. Peut-être qu’un jour, nous discuterons des métiers engagés dans un podcast. Au-delà de mon rôle professionnel, il y a aussi mon engagement personnel, notamment ma passion pour la préservation des forêts et des cours d’eau.
Sur le plan personnel, chaque individu peut apporter sa pierre à l’édifice. Même si on peut douter de l’impact de nos actions individuelles, je pense qu’il est temps d’arrêter de se demander si c’est suffisant. Plutôt que de se demander si trier ses déchets ou manger bio est suffisant, rappelons-nous que si tout le monde s’y met, ces petites gouttes formeront un océan. Alors, n’hésitez pas à ajouter vos gouttes dans cet océan.
Un outil que j’affectionne est le « 4P », qui signifie « le plus petit pas possible ». Quelle est la moindre action que je peux entreprendre aujourd’hui, qui est simple et qui aura un impact positif ? Cela s’applique à l’écologie, mais aussi à la vie professionnelle et à bien d’autres domaines.
Réduire notre consommation est une recommandation courante : éteindre les LED, ne pas laisser les appareils en veille, etc. Mais choisir de consommer de l’électricité renouvelable et locale est une action concrète qui soutient des emplois et des recherches environnementales. Investir dans des projets d’énergie renouvelable ou autres projets écologiques est également une manière concrète de soutenir ces initiatives. Pour moi, c’est aussi une manière d’utiliser l’argent que je gagne grâce à mon travail pour contribuer positivement à la société.
Maryan :
Je suis d’accord avec toi, la partie du plus petit pas possible, pour certains ça ne sera jamais assez, pour certains il faudra toujours faire plus et pour certains c’est décourageant mais en fait on est une espèce sociale et sociable; et en fait donner l’exemple à un impact énorme sur sa communauté et sur les autres, juste en donnant l’exemple sans se montrer particulièrement… toxique à vouloir jouer le schtroumpf à lunettes (pour ceux qui connaissent la référence) et agacer les autres.
Juste donner l’exemple, enfin voilà, diriger par l’exemple, c’est suffisant et c’est super efficace. Merci encore Manon pour ce nouvel épisode. Merci pour ta participation.
Manon :
Merci Maryan pour ce nouvel épisode ensemble, et puis ces échanges qui sont toujours aussi riches. Merci pour ton écoute.