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« Loi d’accélération : zoom sur l’hydroélectricité en France »

Par Alexandre Albanel, président de UNITe et administrateur du syndicat France Hydro Electricité, et Stéphane Maureau, Directeur général de UNITe. Publié le 3 avril 2023. Article dans la Tribune.

Tribune | « Loi d’accélération : zoom sur l’hydroélectricité en France »

L’hydroélectricité est la plus ancienne des énergies renouvelables. Malgré son potentiel, près de 9 projets sur 10 sont abandonnés. Alexandre Albanel, président de UNITe et administrateur du syndicat France Hydro Electricité, et Stéphane Maureau, Directeur général de UNITe, présentent quelques mesures pour l’essor de la petite hydroélectricité. 

Il existe 2300 centrales hydroélectriques, dont moins de 100 grands barrages (95 sites entre 50 et 600MW) et plus de 2200 centrales de « petite hydroélectricité ». La petite hydroélectricité représente environ 10 % de la production hydroélectrique nationale, soit environ 6TWh par an. 9 français sur 10 en ont une bonne image. Ils ont raison, car cette énergie présente des atouts fondamentaux pour le mix énergétique français. La production de la petite hydroélectricité pourrait rapidement être multipliée par 3 ! Qu’attendons-nous ?

Les avantages de l’hydroélectricité sont nombreux et bien connus des gestionnaires du réseau électrique. 

Une énergie qui reste très compétitive, locale, décarbonée, au prix stable. Il s’agit d’ouvrages qui peuvent aujourd’hui être construits avec de faibles impacts environnementaux et un bon respect de la continuité écologique des cours d’eau. L’hydroélectricité transforme la force de l’eau en électricité, sans la consommer : toute l’eau utilisée est restituée en aval du cours d’eau et peut être utilisée pour d’autres usages (eau potable, sports d’eau douce, irrigation, loisirs…) ou pour la production d’hydroélectricité sur d’autres sites situés plus en aval. De plus, c’est une technologie sûre et durable : bien entretenue, une centrale hydroélectrique a une longévité au-delà du siècle !

C’est un fait, cela contribue à la stabilité de la fréquence du réseau électrique. Enfin, dans le cas d’installations de type STEP (Station de Transfert d’Energie par Pompage), l’hydroélectricité apporte une flexibilité précieuse : il est possible de stocker de l’énergie lorsque le réseau n’en n’a pas besoin (par pompage de l’eau d’un bassin inférieur à un bassin supérieur) et de restituer cette énergie en turbinant l’eau stockée, lorsque le réseau en a besoin.

Il est tout à fait possible de tripler l’énergie produite par des centrales de petite hydroélectricité !

Il existe un très grand potentiel de sites à équiper dans le segment de la petite hydroélectricité : une étude publique réalisée par la DEGEC (Direction Générale Energie et Climat), la Direction Eau et Biodiversité et la DREAL (Direction Régionale de l’Environnement de l’Aménagement et du Logement) a identifié un potentiel permettant de produire près de 12TWh supplémentaires par an. En 2012, une étude de l’Union Française d’Electricité aboutissait au même résultat. Aujourd’hui, la petite hydroélectricité représente environ 10% de la production hydroélectrique nationale, soit environ 6TWh par an (soit environ 1,2% de la consommation nationale annuelle). Il serait donc possible de multiplier par 3 la production de petite hydroélectricité en France.

Pourquoi ne le fait-on pas ?

Malheureusement, 75 % du potentiel d’équipement est situé sur des cours d’eau « sanctuarisés » par un classement dit « en liste 1 », sur lesquels l’autorisation de construire est quasiment impossible à obtenir. Les professionnels de la petite hydroélectricité regrettent cette situation, qui semble ne pas prendre en considération le fait qu’aujourd’hui, les ouvrages hydroélectriques peuvent être construits tout en assurant une bonne continuité écologique des cours d’eau. Là où les nouveaux équipements sont envisageables la méthode et la durée d’instruction des dossiers est telles, que plus de 9 projets sur 10 sont abandonnés et celui qui aboutira à une construction, aura connu 7 à 9 ans de procédures administratives !

Que faire pour sortir de cette situation ?

Le développement de la petite hydroélectricité pourrait reprendre, dans le cadre d’une volonté politique, qui devrait résulter d’une prise en compte, juste et équilibrée, entre les impacts des ouvrages d’une part et les atouts fondamentaux de la production hydroélectrique, d’autre part. La démarche consistant à éviter, limiter et compenser les impacts environnementaux d’un projet hydroélectrique, est malheureusement souvent évaluée d’une manière déséquilibrée, qui conduit l’administration à avoir des exigences démesurées, qui anéantissent la viabilité des projets, en oubliant de peser leurs précieux atouts.

En outre, de manière concrète, quelques décisions simples permettraient de produire rapidement plus d’électricité, sur les sites déjà équipés. La loi dite d’accélération des énergies renouvelables n’a pas fait d’avancées majeures dans ce sens. Certaines mesures pourraient néanmoins arriver dans les décrets d’application à venir.

Des mesures simples qui sont vertueuses

L’objectif est de maintenir les débits non turbinés (débits réservés) au minimum légal (10% du module de la rivière) pour préserver de façon suffisante la vie piscicole (rappelons que 100% de l’eau pour la production d’hydroélectricité́ est restituée aux cours d’eau plus en aval). Une autre mesure est d’autoriser les augmentations de puissance des installations et donc mieux utiliser le potentiel des turbines installées. Il faut prendre en considération les conditions de construction de centrales hydroélectriques sur certaine rivière, et le très faible impact des centrales bien conçues, sur la continuité écologique. Les règles de gestion des retenues d’eau, pour accroître la flexibilité́ de pilotage des centrales hydroélectriques doivent s’assouplir, afin de mieux s’adapter aux variations de la consommation. Les dossiers administratifs de remise en service d’anciens sites doivent être débloqués. Enfin, il est impératif de donner une meilleure visibilité aux investisseurs, (notamment changer le mode de calcul des compléments de rémunération dans les appels d’offres de la CRE, pour passer d’un M0 annuel à un M0 mensuel, comme pour les autres filières).