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Agrivoltaïque et pisciculture : histoire d’un succès

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Voici l’histoire de la mise en place d’une centrale photovoltaïque au dessus de bassins de pisciculture. Découvrons ensemble les résultats de cette expérience pour la production et le bien-être des poissons !

Stéphane milhesAujourd’hui un nouvel expert, Stéphane MILHES (responsable d’exploitation et maintenance de centrales électriques), nous parle de l’expérience de la centrale photovoltaïque de Mézos. Nous découvrirons ensemble la plus ancienne centrale agrivolatïque de Unite, une centrale qui date de 2011, décrite comme un chantier épique.

L’interview

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Les avantages du  photovoltaïque en pisciculture

Infographie : les avantages du photovoltaïque en pisciculture

Stéphane, peux-tu te présenter, s’il te plaît ? 

Oui, tout à fait. Donc, je suis Stéphane MILHES, responsable d’exploitation et de maintenance Grand Ouest chez Hydrowatt / Unite sur des centrales photovoltaïques, centrales hydroélectriques et responsable de l’exploitation en parc éolien.

Stéphane, parle-nous de la centrale photovoltaïque de Mezos.

C’est la plus ancienne centrale photovoltaïque de Unite, une centrale qui date de 2011, décrite comme un chantier épique.
Le confirmes-tu ?

Oui, cela a été assez intéressant et parfois compliqué. 

C’est un chantier qui s’est étalé sur six mois ; il fallait vraiment que ce soit le temps le plus court possible. Alors, six mois peuvent paraître longs et en même temps, au vu de la taille du chantier, de l’envergure, cela a été une belle performance.

Il fallait que le chantier dure le moins longtemps possible en raison de la coactivité avec la pisciculture sur laquelle on s’installait. Il y a des bassins de truite, c’est un poisson assez farouche, et donc il fallait limiter la durée du chantier pour limiter aussi les mortalités de poissons, les hausses de mortalité de poissons et la coactivité a été assez difficile à gérer. 

Donc, en fait, le faire durer plus longtemps aurait coûté plus de vies en matière de truites ?

Oui, c’est ça. 

Les poissons d’élevage, en général, ont besoin de plus de calme possible et ils sont souvent effarouchés par tout ce qui se passe autour du bassin. Et donc, cela peut amener à des hausses de mortalité, surtout quand on a plusieurs tonnes de poissons rassemblés dans un seul bassin. 

Donc les passages d’engins, tout ce qui passe au-dessus, les oiseaux, par exemple, leur font peur. Tout ce qui se passe autour du bassin effarouche les poissons et a tendance à leur donner les coups de stress qui peuvent conduire à une augmentation de la mortalité, voilà finalement. 

C’est un peu ce qui s’est passé pendant le chantier, on a essayé de le gérer au mieux. Aqualand, qui n’était pas Aqualand à l’époque mais qui était une autre société puisqu’elle a été revendue, le savait. Et donc, on a géré ça au mieux des intérêts de tout le monde.

Donc, ça s’est plutôt pas trop mal passé dans l’ensemble.

Aqualand, c’est la société qui gère ce bassin de pisciculture ?

Tout à fait, depuis 5 ans ou 6 ans maintenant, la pisciculture a été rachetée. C’était un propriétaire norvégien qui s’appelait Aquerci et Aqualand a racheté cette pisciculture à Aquerci.

Aujourd’hui, Aqualand est le numéro 1 de la distribution de truites en France avec, me semble-t-il, 30% de la distribution de truites sur le territoire. 

Quelle était l’origine du projet, comment ça s’est passé au tout début, d’où il est venu ?

Alors en fait, le projet avait été développé par une autre société

Il y a eu pas mal d’aléas administratifs, beaucoup de contraintes c’était assez compliqué et ils ont décidé de vendre leur PTF (proposition technique et financière), c’est-à-dire l’autorisation de raccordement, et Unite s’est positionné et a racheté donc cette fameuse PTF qui nous autorisait à construire la centrale et à l’exploiter derrière. 

(La PTF c’est donc l’autorisation de raccordement qui définit aussi le prix de vente de l’énergie.)

Donc, quand on a racheté le projet, l’intégralité des constructions était des plans et des permis de construire, bien sûr, et donc on a repris l’intégralité de l’ensemble des plans de la pisciculture qui avaient été définis et on les a donc fait construire et on les a sous-traités.

Il a fallu gérer la construction du chantier. À l’époque, je suis arrivé sur le site et pendant 6 mois, comme je suis basé à Nantes, j’arrivais le lundi matin et je repartais le vendredi soir. Toute la semaine sur le site pour suivre le chantier et sa bonne mise en place et le respect des plannings, bien évidemment, puisque c’était le principal objectif. 

Nous avions, à l’époque, un impératif de raccordement, le 24 octobre 2011, sachant que le chantier a commencé à se mettre en place la première quinzaine d’avril 2011, donc on avait vraiment six mois pour le faire. 

Dépasser le 24 octobre 2011 pour la première injection de kilowatt nous faisait perdre le tarif de rachat qui était très intéressant à l’époque, donc c’était vraiment un impératif de respect de date. Donc ce qui a été fait, je crois qu’on a commencé à injecter une petite dizaine de jours avant les premiers kilowatts, les premiers essais d’injection. 

Quel était le budget de la centrale ?

La centrale coûtait 22 millions d’euros. 

Donc effectivement, il ne fallait pas se tromper, fallait pas se louper et le prix a été assez élevé. Aujourd’hui on ferait la même centrale beaucoup moins cher. 

D’abord, parce que le prix des panneaux s’est effondré. À l’époque, pour faire simple et court, on avait un prix de panneau qui était approximativement de 2 euros, on va dire 2 euros du Watt : Pour un panneau de 200 watts, 2 euros du Watt on est à un panneau qui vaut 400 euros.

On est redescendu aujourd’hui. C’est assez fluctuant avec les problèmes d’approvisionnement qu’il y a, qui durent depuis le début de l’année à peu près. Mais on est passé à des panneaux qu’on arrive à approvisionner approximativement entre 30 et 40 centimes du watt ; donc, on est passé de 2 euros à 35 centimes du Watt aujourd’hui, c’est une baisse considérable, bien sûr. C’est le premier aspect.

Et concernant l’aspect structure, à l’époque, dans la PTF et le permis de construire qui avaient été accordés, ce sont les charpentes en bois qui avaient été choisies. Alors, c’est très très joli mais cela coûte particulièrement cher aujourd’hui et on partirait sur des charpentes métalliques, plus faciles et plus rapides à mettre en place, moins chères. Mais à l’époque, on pouvait se le permettre puisqu’on avait un tarif de rachat qui était assez cher.

Comment ça s’est-il passé, directement, au jour le jour après le lancement du chantier ?

Y a-t-il eu des contretemps, des choses sur lesquelles il fallait réagir vite ?
Est ce que tout s’est-il bien passé ?

Alors, dans l’ensemble, si je commence par la fin, je vais dire que, à partir du moment où on a réussi à raccorder dans les temps, ça s’est plutôt bien passé. 

Sur un chantier de cette taille-là, on a inévitablement un certain nombre de problèmes qui se mettent en place, notamment qui sont liés principalement aux problèmes de coactivité de l’ensemble des intervenants sur site. 

On a eu toute une phase de forage à faire puisqu’il fallait quand même ancrer l’intégralité des charpentes sur des fils en béton de 4 mètres de large. On avait alors un certain nombre de micropieux à faire et dans le même temps, au fur et à mesure donc, avec les temps de séchage derrière. 

Et ensuite, on a commencé, ça s’est plutôt pas trop mal passé si ce n’est qu’il fallait faire, une fois de plus, assez rapidement puisqu’on avait toujours ce problème de poissons et on avait beaucoup d’engins qui passaient, de personnes qui passaient sur les bassins. C’était toujours un peu compliqué, il fallait aussi protéger beaucoup les bassins puisque quand on coule du béton il peut y avoir des endroits où ça déborde un peu partout, il fallait donc faire attention effectivement à ne pas mettre de produits de béton etc. liquide dans les bassins, ça pouvait poser un problème.

Donc, une fois que ces micropieux étaient en place et le temps de séchage respecté, on a commencé à poser les charpentes qui ont été installées par une filiale Vinci. 

On avait fait deux plateformes de montage, une à l’est une à l’ouest de façon à aller le plus vite possible. Donc, les charpentes ont été montées sur site puisqu’elles sont d’une envergure assez importante ; tout le matériel, toutes les pannes et les chevrons étaient livrés en vrac, montés sur site et déposés au fur et à mesure par de gros tracteurs qui avaient été spécialement conçus pour ça. Au niveau de l’adaptation en tout cas, avec des bras latéraux et des vérins hydrauliques pour pouvoir déposer les charpentes les unes derrière les autres et les assembler au fur et à mesure.

Il a fallu poser les charpentes et les ancrer sur les micropieux et sur les massifs de béton qui avaient été

préalablement construits. Il y a 21 charpentes sur le site et dès qu’on en avait construit quatre ou cinq, qui étaient assemblés, les poseurs de panneaux sont arrivés sur site pour commencer à poser et assembler les premiers panneaux.

C’est le processus qui s’est passé plutôt bien, dans l’ensemble. 

Après, on a toujours eu quelques quelques petits soucis de co-activité ; le principal problème étant le respect le plus précis possible des plannings, bien évidemment, puisque le moindre débordement peut tout de suite occasionner beaucoup de soucis. Donc on a eu forcément quelques petits incidents entre les écartements de chevrons qui devaient correspondre aux écartements des rails micocènes pour la pose des panneaux, par exemple. Donc voilà, on a eu forcément quelques petites mésaventures à ce niveau- là. Mais dans l’ensemble, ça s’est plutôt bien arrangé. 

Aujourd’hui, un chantier se déroulerait-il de la même manière ?

Est-ce que maintenant cela irait encore plus vite ? Il y aurait peut-être simplement moins de soucis ?

À partir du moment où on gère un chantier comme ça, on profite toujours de l’expérience et des problèmes qu’on a eu la première fois, sinon on n’apprend pas.  

Donc forcément oui, on changerait certainement. Tous les chantiers qu’on ferait aujourd’hui ne seraient plus faits, par exemple, sur des charpentes en bois comme elles le sont aujourd’hui, en lamellé-collé, ce n’est pas possible, on n’a plus un tarif de rachat qui nous permet de le faire. 

Donc, tout est fait en charpente métallique et l’assemblage est forcément beaucoup plus rapide

Pour un chantier de cette taille-là, il y a des temps incompressibles : les micropieux, les séchages du GC, tout ça, ce sont des temps qui sont difficilement compressibles. 

Par contre, la construction des structures et l’assemblage seraient, je pense, un peu plus rapides. Après, la pause des panneaux, on est sur des temps sensiblement similaires, on aurait des panneaux plus puissants. 

Une centrale, à l’identique aujourd’hui donc, serait en charpente métallique et avec des panneaux qui feraient deux fois à deux fois et demi la puissance de ce qu’on a aujourd’hui sur le site. 

Donc, on a une centrale 4 méga 2, on aura peut-être une centrale aux alentours de 10 mégas 10 à 12 mégas aujourd’hui pour la même surface utilisée.

Cela veut-il dire que le signataire du contrat, le propriétaire du terrain gagnerait deux fois plus sur la location de son terrain ? 

Alors, à l’époque, quand on a racheté cette PTF, le loyer était déjà défini dans les accords qui avaient été faits avec Aqualand, enfin, avec l’ancien Aqualand. Je ne sais pas si c’est une location qui avait été faite par rapport à la puissance, par rapport à la surface occupée.

Aujourd’hui, on a un loyer qui est défini au megawatt installé. 

Donc effectivement, un propriétaire qui a une centrale avec 5 mégawatts installés va toucher X X milliers d’euros par mégawatt installé : donc, entre 5 mégas, 10 mégas, 15 mégas, en fait forcément, le loyer est indexé, et bien évidemment donc, si demain on devait changer les panneaux, peut-être sur une renégociation, si on devait changer les panneaux sur Mezos, peut-être qu’il y aura une renégociation du loyer à la hausse

Il y a des chances, qu’il serait peut-être indexé à la puissance effectivement.

À l’époque, je ne sais pas si ça s’est fait, aujourd’hui en tout cas, c’est comme ça qu’on procède. 

Et aujourd’hui quel est le bilan pour Aqualand ?

Comment cela se passe-t-il pour eux, sont-ils contents ?

Alors, je crois oui, pour en discuter souvent avec eux, je crois qu’ils sont assez satisfaits.

Alors, ils ont déjà, premièrement, une pisciculture. Donc, ça attire énormément de prédateurs dont les hérons, les cormorans, des blagios, le butor ; ce sont des oiseaux prédateurs qui passent au ras des bassins et ça effraie les poissons. C’est pour ça que souvent, les truites, notamment en milieu naturel, se mettent volontairement toujours à l’ombre et cachées sous les endroits assez protégés pour éviter les attaques qui viennent des oiseaux prédateurs. 

Sur une pisciculture c’est exactement pareil : l’instinct du poisson, qu’il soit en liberté ou en élevage, reste sensiblement le même. Le fait d’avoir des ombrières au-dessus de la tête, ça limite considérablement les oiseaux prédateurs. Donc, ça permet d’éloigner les oiseaux et d’avoir un impact visuel, pour les poissons, bien moins important.

Entre les charpentes, bien évidemment, on a repositionné tout un tas de filets qui empêche les oiseaux prédateurs de venir au ras des bassins.

Donc ça c’est une première chose. Je crois qu’il y a aussi une facilité, enfin je suis sûr, d’exploitation pour Aqualand, pour tous les salariés qui travaillent sur le site. Donc, c’est plus agréable pour eux de travailler sous des structures. Même si l’intégralité de la pisciculture n’est pas couverte,  il y a quand même beaucoup de zones qui sont à l’abri du soleil, bien évidemment l’été, et de la pluie, accessoirement les grosses pluies d’orage ou d’averses, qui permettent de travailler un peu plus dans le confort.

Ça, c’est pour l’exploitation ; concernant le poisson, bien évidemment, les ombrières permettent, en premier point, de limiter les hausses de température d’eau. C’est un gros point pour eux ; en plein soleil, en plein été, on peut avoir des hausses de température énormes sur une rivière comme ça. L’hiver, on va descendre : si on a un hiver un peu rigoureux, on va avoir une température d’eau de 6,7 degrés, alors c’est très bien pour le poisson, pas de problème. Par contre, quand ça monte à plus de 15 degrés l’été, c’est un gros souci. La truite est assez sensible. D’une manière générale, les poissons d’ailleurs souvent, mais la truite, particulièrement, est assez sensible aux températures chaudes, ce ne sont pas des températures qui l’arrangent.

Donc, on a des mortalités qui explosent ; le fait de mettre des ombrières limite considérablement ces hausses de température et ça va plutôt dans le bon sens. Alors, c’est pas grand-chose, ça peut être un degré, 1 degré et demi mais c’est assez important en termes de pourcentage de mortalité, à la fin de l’année, je crois que Aqualand s’y retrouve largement. Donc, il y a un vrai sens à couvrir les bassins avec des ombrières.

Et comment ça se passe opérationnellement au quotidien pour toi, en ce moment sur site? 

Alors l’intégralité de la centrale est sous monitoring, bien évidemment. Donc, on sait particulièrement ce qui se passe. 

Dans les 10 ans qui viennent de se passer, on a eu quelques améliorations qui ont été faites. On avait, par exemple, des onduleurs qui, parfois, pouvaient trouver les disjoncteurs, pouvaient s’ouvrir. Donc, on avait des coupures d’onduleurs et j’avais un intervenant sur site. On a récupéré tout ça par le monitoring : en gros, on a installé un automate qui nous permet de redémarrer la centrale à distance. De manière générale donc, ça améliore considérablement l’exploitation, bien évidemment.  

Comme sur toutes les centrales, on peut avoir des découplages réseau liés à des activités RTE sur les lignes. En ce moment, je suis sur la centrale et il se trouve que la centrale est coupée pendant une semaine, de lundi 10h du matin jusqu’à demain 17h : il y a des travaux sur la ligne, ils ont coupé la centrale. Voilà,  ça fait partie des contrats qu’on a avec les gestionnaires réseau ; ils entretiennent les lignes, ils changent un transfo voilà, ils nous coupent une centrale pour éviter d’injecter quand même, par sécurité.

Autrement, en termes d’exploitation, on a bien évidemment, des boîtes de jonctions qui sont réparties partout où on a des fusibles. On a quelques fusibles qui sautent, elles sont monitorées bien évidemment. Donc, je sais quel fusible saute on a toujours tout ça et géré par de la communication. 

C’est un assez gros point noir sur l’ensemble, la communication : c’est toujours le plus instable sur une centrale. En général, ce sont les problèmes de communication. Donc mais bon, ça marche quand même foncièrement bien. En plus sur Mézos, on a deux suivis de communication différents. Donc, quand j’en ai un qui tombe en panne, j’ai toujours l’autre. J’ai toujours un système redondant.

Et puis on a quelques changements de panneaux (solaires), ça peut arriver, on est à proximité de la mer ; on a des objets, on n’imagine pas, mais on a quelques objets qui peuvent tomber comme ça. Donc, ça peut être des oiseaux qui lâchent des pierres, ça peut être des objets, je ne sais pas, par les avions peut-être. 

Il arrive que, au milieu de la centrale, tout d’un coup, on a un panneau qui est cassé ;  on change, on a les maintenances annuelles, régulières de contrôle électrique et thermographique puisqu’on passe la centrale en thermographie. On a des vérifications, des cellules, des protections. Voilà, une exploitation sensiblement assez standard.

Merci beaucoup Stéphane pour toutes ces explications sur le chantier de Mézos

Un chantier, qui je le rappelle, s’est déroulé en 2011 et qui est suivi depuis par Unite, sur lequel tu travailles encore aujourd’hui. C’est depuis Mezos que nous sommes en train de t’écouter merci à toi.

Merci, pas de problème et à très bientôt. 

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