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L’agrivoltaïsme, qui consiste à installer des panneaux solaires, au sol ou en ombrières, sur une terre agricole en activité, se développe de plus en plus en France. Dans un contexte où le milieu agricole fait face à de profondes difficultés, cette solution prometteuse engendre des réactions contrastées et de profondes inquiétudes. L’agrivoltaïsme souffre de nombreux préjugés, malentendus et idées reçues, qu’il est important de clarifier.
Rappel : une définition stricte de l’agrivoltaïsme
L’agrivoltaïsme consiste à associer, sur la même parcelle, une production agricole et une production électrique d’origine photovoltaïque.
La loi du 10 mars 2023, dite d’accélération des énergies renouvelables ou loi APER, et le décret n°2024-318 relatif au développement de l’agrivoltaïsme publié en avril 2024, ont apporté un certain nombre de précisions. Les deux activités, électrique et agricole, fonctionnent en synergie mais la production agricole demeure prioritaire. Elle est considérée de facto comme l’activité principale de la parcelle.
Pour être reconnue comme « installation agrivoltaïque », la centrale solaire doit apporter au moins l’un des services suivants :
- l’amélioration du potentiel et de l’impact agronomique de la parcelle.
- l’adaptation au changement climatique
- la protection contre les aléas
- l’amélioration du bien-être animal
L’installation solaire doit également contribuer durablement au maintien et au développement d’une production agricole, assurer un revenu agricole durable à l’exploitant et être réversible.
Le vrai du faux de l’agrivoltaïsme : préjugés et idées reçues !
L’interview : Louise de Sèze
Chargée de développement de projets photovoltaïques chez UNITe, Louise de Sèze revient sur un certain nombre d’idées reçues sur l’agrivoltaïsme.
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Les énergéticiens veulent couvrir les campagnes de panneaux solaires !
C’est faux. Loin de l’image d’un ogre dévoreur de terres agricoles, l’agrivoltaïsme aspire à être une solution ponctuelle qui apporte un véritable plus aux exploitants agricoles.
- Priorité aux zones dégradées : La priorité demeure évidemment d’installer de la puissance électrique dans les zones dites dégradées (anciennes décharges, terres polluées, etc…) et sur les zones anthropisées qui peuvent accueillir des panneaux solaires (bâtiments industriels, toitures solaires, ombrières photovoltaïques de parking, etc…). Ces espaces ne suffiront cependant pas à atteindre les objectifs fixés par la Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (PPE) pour 2050.
- L’agriculture reste préservée : Nul besoin de couvrir l’entièreté des terres agricoles ! Pour atteindre les objectifs de la PPE, la couverture partielle de moins de 1% de la surface agricole utile (SAU) serait suffisante, sans cesser d’exploiter les terres pour produire de l’alimentation.
- Impact visuel limité : L’intégration des panneaux solaires dans le paysage est soigneusement pensée pour minimiser leur impact visuel et paysager. Ce volet paysager fait partie intégrante de l’étude d’impact environnemental réalisée sur un an préalablement à la construction. Réduire ou éviter l’impact paysager résiduel peut passer, par exemple, par l’installation de haies paysagères ou de clôtures arborées, en collaboration avec les pépiniéristes locaux qui utilisent des espèces végétales endémiques pour préserver la biodiversité du site. Une bonne intégration des locaux techniques est également possible, en travaillant avec des architectes spécialisés.
Impossible pour les agriculteurs de travailler sous panneaux !
C’est faux. Une installation agrivoltaïque doit fonctionner en synergie avec l’activité agricole envisagée dans l’enceinte du parc. Toutes les centrales d’UNITe sont construites en étroite collaboration avec l’exploitant agricole, pour faciliter au maximum son activité.
- Co-conception avec les agriculteurs et les éleveurs : L’exploitant agricole est associé dès les premières phases du projet, pour bien comprendre ses besoins et son calendrier. Ces impératifs sont pris en compte pour dimensionner adéquatement la centrale et l’adapter à l’activité agricole existante ou envisagée.
- Adaptation des infrastructures : L’espacement des rangées de panneaux permet le passage des engins agricoles. Au besoin, les ombrières sont surélevées de plusieurs mètres. Des aménagements supplémentaires peuvent être envisagés (adduction en eau et abreuvoirs par exemple).
- Modernisation des infrastructures existantes : Dans certains cas, l’installation d’une production électrique permet de moderniser l’exploitation. Les ombrières photovoltaïques de la centrale de Mézos, placées au-dessus de bassins de pisciculture, ont permis de diminuer le taux de mortalité par prédation directe ainsi que le stress des poissons d’élevage, qui bénéficient de l’ombrage et de températures plus fraîches. Même constat avec les volières photovoltaïques, comme à Brinon-sur-Sauldre, où les ombrières couplées aux filets traditionnels offrent une plus grande hauteur d’envol tout en limitant le risque de transmission des pathogènes (comme le virus de la grippe aviaire). Sur ces deux types d’ouvrage, l’ombrage généré par les panneaux permet aussi d’offrir de meilleures conditions de travail.
Les panneaux solaires captent toute la lumière du soleil et les plantes ne peuvent plus pousser !
Une nouvelle fois, c’est faux. En revanche, il est essentiel de bien réfléchir aux espèces végétales et aux cultures qui peuvent cohabiter avec les panneaux solaires, sans que cela n’impacte le rendement de la parcelle.
- Partage de la ressource lumineuse : Les besoins en lumière des plantes pour croître, caractérisés par l’acronyme anglais PAR (ou RPA – Rayonnement photosynthétiquement actif) diffèrent d’une espèce végétale à l’autre. Certaines espèces peuvent se contenter d’une luminosité moindre, d’autres ont besoin de beaucoup de soleil. L’espacement suffisant entre les rangées de panneaux permet un passage des rayonnements solaires.
- La question du taux de couverture : L’agrivoltaïsme est une pratique encore récente. Plusieurs projets pilotes sont en cours afin d’établir avec certitude les cultures compatibles avec les panneaux solaires et celles dont le rendement est impacté. In fine, c’est la question du taux de couverture de la parcelle qui se pose. Le décret relatif au développement de l’agrivoltaïsme, publié en avril 2024, a plafonné ce taux à 40%, mais il faut évidemment réfléchir au cas par cas, afin de trouver le meilleur compromis possible.
- Protection de l’agriculture : Si des abus ont pu être constatés par le passé, les avancées législatives récentes concourent à protéger au maximum l’exploitant agricole. L’installation photovoltaïque doit permettre à l’agriculteur de conserver un revenu agricole (c’est-à-dire non lié aux revenus photovoltaïques) durable et contribuer au maintien et au développement de sa production. Souveraineté alimentaire et souveraineté énergétique ne doivent pas être opposées !
Une centrale, c’est dangereux pour les animaux d’élevage !
C’est faux. Comme le montrent les retours d’expérience et les récentes études sur le photovoltaïque couplé à l’élevage, une centrale agrivoltaïque bien conçue permet de minimiser les risques afin d’assurer la sécurité des animaux. Dans certains cas, elle est aussi une protection supplémentaire contre la prédation extérieure.
- Mesures de sécurité éprouvées : Dans le cas des élevages ovins, la Fédération Nationale Ovine (FNO) travaille avec UNITe depuis plusieurs années pour définir le meilleur dimensionnement et les bonnes pratiques à mettre en œuvre.
- Impact limité des ondes électromagnétiques : Les panneaux photovoltaïques n’émettent pas d’ondes électromagnétiques. Le champ électrique est produit par les onduleurs mais une enveloppe métallique de protection peut être installée sur ces derniers pour limiter les ondes électromagnétiques produites. À ce jour, aucune étude n’a mis en évidence d’effets négatifs sur la santé, le développement ou la reproduction des animaux d’élevage exposés à un faible champ électromagnétique.
- Une protection supplémentaire : la présence d’une clôture autour de l’installation solaire offre une protection supplémentaire contre les prédateurs extérieurs (comme le loup). Dans la centrale de Mézos, les ombrières protègent les poissons d’élevage des attaques d’oiseaux. Dans le cas des volières photovoltaïques, l’installation limite le risque de transmission de pathogènes par contact avec l’avifaune sauvage.
Les centrales photovoltaïques détruisent les sols agricoles !
Faux. Au même titre que la biodiversité, la bonne santé des sols et de l’environnement autour de la centrale est un impératif absolu.
- Usage minimal du béton : Contrairement à une idée répandue, la construction d’une centrale solaire ne consiste pas à bétonner toute la parcelle agricole ! Dans le cas d’une centrale agrivoltaïque, des « pieux battus », des pieux métalliques enfoncés directement dans le sol, sont privilégiés. Ce sont les études géotechniques qui permettent de déterminer, au cas par cas, la solution la plus adaptée au site d’implantation.
- Aucune pollution des sols : Les câbles électriques enterrés sont localisés et n’engendrent aucune pollution. Il en est de même pour la centrale en elle-même, puisque l’énergie solaire est une énergie non polluante, sans danger pour les sols et les nappes phréatiques.
- Démantèlement des centrales : À la fin de la période d’exploitation (qui dure entre 20 et 40 ans), l’énergéticien a l’obligation de démanteler la centrale et de remettre le terrain dans son état initial. La collecte et le recyclage des panneaux photovoltaïques constituent d’ailleurs une obligation réglementaire depuis l’entrée en vigueur du décret n°2014-928 du 19 août 2014, qui transpose la directive européenne 2012/19/UE. Les producteurs et distributeurs sont ainsi responsables de la collecte et du traitement des panneaux photovoltaïques usagés. Enfin, selon les termes de la loi de mars 2023, une installation solaire n’est « agrivoltaïque » que si elle est réversible.
La maintenance des centrales demeure à la charge des énergéticiens.
Vrai. L’agriculteur n’aura jamais à intervenir en cas de panne ou de problème sur la centrale. La maintenance est entièrement assurée par nos équipes !
- Vigilance partagée : La présence de l’agriculteur sur la parcelle est un avantage car cela permet d’assurer un gardiennage indirect mais surtout un contact immédiat si l’exploitant remarque un problème. Toute intervention pour remplacer un composant défectueux demeure du ressort des équipes de maintenance de l’opérateur photovoltaïque.
- Résistance des panneaux: Les panneaux solaires sont spécifiquement conçus pour résister aux vents forts et aux intempéries comme les chutes de neige. Ils peuvent être néanmoins endommagés par la grêle (de type impact de pare-brise), même si ce cas de figure demeure rare. Les panneaux n’explosent pas sous l’impact des grêlons, peu de risque d’être blessé par du bris de verre photovoltaïque qui serait tombé dans le champ !
L’agrivoltaïsme fait s’envoler le prix du foncier agricole !
Vrai, mais à nuancer.
- Une hausse multifactorielle : Le prix du foncier agricole augmente depuis des années. Il serait de mauvaise foi de considérer que l’agrivoltaïsme est le seul responsable de ce phénomène. La présence d’une centrale performante sur une terre agricole génère évidemment des revenus supplémentaires (loyer ou rente solaire), ce qui augmente la valeur du terrain.
- Encadrer la pratique : Devant les risques d’inflation foncière, il est impératif de proposer aux agriculteurs des loyers raisonnables et de réguler les pratiques malhonnêtes qui visent à accaparer les terres au profit de la seule production énergétique. Il est essentiel de travailler en bonne intelligence avec les syndicats et les exploitants agricoles pour assurer l’avenir des deux productions.
- Réfléchir au partage de la valeur : De nombreuses avancées peuvent encore être trouvées pour partager plus équitablement la valeur financière des centrales, et assurer des répercussions positives et durables à l’échelle de tout le territoire. Des discussions sont actuellement en cours au sein des chambres d’agriculture mais aussi à l’échelle nationale, pour avancer sur ce dossier.
L’agriculteur continue de toucher les aides de la PAC.
Vrai. Les récents ajustements législatifs permettent aux agriculteurs de continuer à bénéficier des aides européennes de la Politique Agricole Commune (PAC) s’ils accueillent une centrale agrivoltaïque (au sens du décret). Une garantie supplémentaire pour les agriculteurs qui choisissent de s’engager dans l’agrivoltaïsme et la transition énergétique !
Une centrale photovoltaïque, ça coûte une fortune !
Oui, mais pas à l’agriculteur ! UNITe prend entièrement en charge le développement, la construction et l’exploitation de la centrale. L’agriculteur ou le propriétaire du terrain n’ont aucun frais à avancer. En contrepartie de la location de son terrain, il touche un loyer négocié entre les deux parties pendant toute la durée de l’exploitation de la centrale. UNITe, de son côté, se rémunère sur la vente de l’électricité.
Conclusion : De l’importance de tordre le cou aux idées reçues.
L’agriculture française est en première ligne face aux défis du changement climatique et de la transition énergétique. Les épisodes récurrents de canicule et de sécheresse, la recrudescence des intempéries et la volatilité des prix de l’énergie impactent directement les exploitations et fragilisent les rendements agricoles. Un agrivoltaïsme vertueux, loin des idées reçues, est une solution pour envisager un avenir prometteur et construire ensemble l’agriculture de demain.