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L’éco-conception pour répondre aux enjeux environnementaux des parcs solaires photovoltaïques

Table des matières

L’éco-conception est une méthodologie qui permet l’intégration de la dimension écologique dans les projets photovoltaïques, de la conception de la centrale solaire à l’exploitation et au démantèlement de celle-ci. Maintenir les continuités écologiques et protéger notre biodiversité sont des enjeux majeurs, qui peuvent sembler difficilement conciliables avec les objectifs de développement EnR et le boom actuel du solaire. 

A travers l’exemple des clôtures des parcs solaires photovoltaïques, l’éco-conception apparaît néanmoins comme une solution possible pour diminuer l’impact des installations solaires. 

EnR, environnement et biodiversité : un équilibre à préserver

Qu’est ce que l’éco-conception ? 

Une définition du terme « éco-conception » a été proposée par l’ISO, International Organization for Standardization (Organisation internationale de normalisation), un organisme indépendant qui fixe les normes internationales s’appliquant aux produits et aux services.

La norme ISO 14006 définit l’éco-conception comme « une approche méthodique qui prend en considération les aspects environnementaux du processus de conception et développement dans le but de réduire les impacts environnementaux négatifs tout au long du cycle de vie d’un produit ». 

Appliqué au photovoltaïque ou aux EnR en général, l’éco-conception peut donc être définie comme une méthodologie visant à réduire significativement l’impact environnemental des centrales EnR

  • Il s’agit, pour l’ensemble de la filière, de comprendre les enjeux, d’adopter de meilleures pratiques et de mettre en place une stratégie efficace pour réussir la transition énergétique tout en préservant efficacement l’environnement et la biodiversité.  
  • Cette préoccupation a été réaffirmée par la création du nouvel Observatoire des énergies renouvelables et de la biodiversité, confirmée par décret le 6 avril 2024. Cet organisme doit faire la synthèse des connaissances disponibles et assurer leur diffusion auprès du public et des professionnels.
  • La Stratégie Nationale Biodiversité 2030, présentée en novembre 2023, fixe un cadre d’action plus global dont l’objectif est de « préserver et de restaurer la diversité biologique française ». 

Une méthodologie et des contraintes réglementaires

L’arsenal législatif français a particulièrement à cœur de protéger l’environnement dans son ensemble. Les développeurs EnR doivent se plier à un certain nombre de règles, souvent très contraignantes, pour minimiser l’impact des centrales. 

Conformément à l’article L122-3 du Code de l’Environnement, certaines catégories de projets doivent faire l’objet d’une évaluation environnementale, dite Étude d’Impact Environnemental.

  • Les inventaires naturalistes, composants de cette étude, sont réalisés sur un cycle annuel, par des bureaux d’études et écologues indépendants. 
  • Elle est obligatoire préalablement à tout travaux d’ouvrage de production d’électricité solaire au sol dont la puissance est supérieure à 250 kWc. Elle peut aussi être demandée au cas par cas si les instances administratives l’estiment nécessaire. 
  • Cette étude est jointe au dossier de demande de permis de construire et sera intégrée au dossier d’enquête publique. 

Conformément à l’article L. 110-1 du Code de l’environnement, les projets soumis à une Étude d’impact déclenchent la mise en œuvre d’une séquence ERC, dont le principe est  « d’éviter les atteintes à la biodiversité et aux services qu’elle fournit ; à défaut, d’en réduire la portée ; enfin, de compenser les atteintes qui n’ont pu être évitées ni réduites, en tenant compte des espèces, des habitats naturels et des fonctions écologiques affectées.»

L’ordre de cette séquence traduit une hiérarchie

  • L’évitement est à favoriser comme étant la seule opportunité qui garantisse la non-atteinte à l’environnement considéré.
  • La réduction implique d’amoindrir au maximum les impacts n’ayant pu être évités. 
  • La compensation des atteintes à la biodiversité ne doit intervenir qu’en dernier recours si certains impacts n’ont pu être ni évités, ni suffisamment réduits. Elle ne peut en aucun cas se substituer aux mesures d’évitement et de réduction. Elle doit être conçue au regard des impacts résiduels du projet après évitement et réduction, de manière à atteindre « un objectif d’absence de perte nette de biodiversité, voire tendre vers un gain de biodiversité »

La présence d’une espèce protégée (végétale ou animale), détectée sur le site d’implantation envisagé, doit être intégrée à la séquence ERC .

Les développeurs EnR ont la responsabilité d’évaluer l’efficacité des mesures mises en place et de s’assurer qu’elle permette un gain écologique, jamais une perte. Ces mesures sont inscrites sur l’arrêté qui délivre l’autorisation de construire. 

Un suivi sur plusieurs années est obligatoire. 

Éco-conception des parcs solaires photovoltaïques : guides et recommandations 

Afin de bien comprendre les incidences des centrales sur l’environnement, les sols et la biodiversité, des organismes comme l’ADEME (Agence de la Transition écologique) ou l’OFB (Office Français de la Biodiversité) financent régulièrement des études spécialisées.

En 2020, l’ADEME a ainsi publié un guide technique d’éco-conception des centrales photovoltaïques, après 4 années de suivi sur plusieurs typologies de centrales solaires. 

  • Le guide, baptisé PIESO (Processus d’intégration écologique de l’Énergie Solaire), est disponible ici.
  • Son objectif est de permettre la prise de décisions techniques adaptées par les porteurs de projets, et ce dès la phase de conception de la centrale.
  • Il vise une intégration écologique optimale des centrales solaires photovoltaïques.  

Plus récemment, l’ADEME a collaboré avec l’OFB (Office Français de la Biodiversité) pour publier un nouveau guide : Photovoltaïque, sol et biodiversité : enjeux et bonnes pratiques (2023).

Notons aussi l’existence de plusieurs études spécialisées, notamment sur l’impact des centrales sur les chiroptères (étude conjointe CNR, LPO (Ligue de protection des oiseaux), MNHN (Museum National d’Histoire Naturelle) et OFB ) et sur les oiseaux (appels à projet ENVOLtaïque, collaboration ADEME/OFB).

Quelques exemples des mesures d’éco-conception proposées : 

  • Adapter le calendrier des travaux aux calendriers écologiques des espèces présentes sur site (nidification des oiseaux, hibernation des chiroptères, etc…)
  • Maintien de la flore et de la faune à enjeu
  • Marquage des zones et des secteurs à enjeux écologiques forts (les zones qui abritent des fleurs ou des plantes protégées par exemple). 
  • Limiter le défrichement au strict nécessaire, dans le respect des Obligations Légales de Débroussaillement (OLD) : rôle de coupe feu et sécurité incendie autour des centrales.
  • Entretenir la strate herbacée ou arbustive au pied des panneaux et dans les espaces inter-rangs (si possible), pour favoriser la recolonisation progressive de la faune et flore locale et lutter contre l’érosion des sols. 
  • Assurer un entretien écologique du parc photovoltaïque par pastoralisme (pâturage ovin) ou fauche mécanique adaptée avec extraction des végétaux.
  • Travailler main dans la main avec les écologues pour vérifier la présence d’espèces cavernicoles dans les arbres avant défrichement. 
  • Cartographier les zones de lisières et maintenir les corridors écologiques en aménageant des passages à faune si nécessaire. 
  • Privilégier les espèces végétales locales, non invasives, pour les haies. 
  • Mise en place de nichoirs pour compenser la raréfaction des cavités de nidification naturelles.  
  • Limitation de l’éclairage nocturne qui perturbe le déplacement et le cycle de certaines espèces. 

L’éco-conception apparaît aujourd’hui comme une solution de conciliation efficace entre le développement des EnR et la préservation de la biodiversité.  

Éco-conception : l’exemple des clôtures dans un parc solaire photovoltaïque

L’interview : Marie-Yvonnick Legal

Dans l’épisode de notre podcast, Marie-Yvonnick Legal, chargée d’affaires chez UNITe, aborde la question des clôtures qui entourent les parcs solaires photovoltaïques. Ce dispositif anti-intrusion, banal en apparence, de hauteur et de forme variable, est le support d’intenses réflexions. 

En format vidéo :

Retrouvez le podcast :

La clôture : une demande des assureurs pour sécuriser la centrale 

En France, contrairement à plusieurs autres pays européens, une centrale solaire photovoltaïque doit être clôturée. Il s’agit d’une exigence des compagnies d’assurance qui le formulent plus ou moins ainsi : « L’assuré s’engage à équiper chaque centrale des systèmes de protection et de prévention suivants : une clôture périphérique d’une hauteur minimale de 2,00 m autour de la ferme solaire ». 

  • Cette exigence se traduit par l’installation d’une clôture autour de la centrale, fermée par un portail. Cette clôture est constituée de poteaux et d’un grillage plus ou moins rigide, qui joue le rôle de barrière. 
  • Elle peut s’accompagner d’autres dispositifs, comme de la vidéo-surveillance, des alarmes anti-intrusion, un gardiennage permanent, ou encore un système d’éclairage nocturne à détection de mouvement. Une signalisation adaptée doit être mise en place. 

La présence d’une clôture répond à plusieurs objectifs : 

  • délimiter le périmètre et l’emprise au sol des infrastructures
  • interdire l’accès de la centrale aux personnes non autorisées 
  • prévenir les tentatives de vandalisme, le vol de panneaux solaires et le vol de câbles électriques. 
  • assurer la sécurité des personnes (danger électrique). 

Les clôtures servent aussi à prévenir l’intrusion de gros animaux dont la présence dans le périmètre de la centrale pourrait s’avérer problématique, comme les ongulés. 

  • Dans le cas de centrale agrivoltaïque en pâturage ovin, caprin ou bovin ou de volière photovoltaïque, la clôture sert également à parquer les animaux et à prévenir l’intrusion d’éventuels prédateurs (loups, renards…).
  • Dans le cas des volières photovoltaïques, la clôture grillagée sert aussi à limiter les contacts avec l’avifaune sauvage, et donc à limiter les risques de transmission du virus de la grippe aviaire. 

L’entretien des clôtures est de la responsabilité du gestionnaire de la centrale. 

Comprendre l’impact écologique des clôtures

Si les clôtures répondent à une exigence assurantielle et sécuritaire, elles constituent néanmoins des points d’impact plus ou moins importants avec la faune et la flore locales. Ces impacts doivent être étudiés et caractérisés. 

Une fragmentation accrue des milieux naturels

La faune sauvage est loin d’être statique, et ses déplacements répondent parfois à des exigences biologiques qu’il est nécessaire d’anticiper et de comprendre : migration saisonnière, recherche de partenaires de reproduction, mise bas, essaimage des jeunes, etc…. 

Les clôtures viennent entraver ces déplacements et modifient les conditions d’habitat de la faune présente sur site. Une clôture qui ne permet pas le passage de la faune sauvage agit comme un obstacle, de la même façon qu’un barrage hydroélectrique non équipé de dispositifs adaptés bloque la montaison et dévalaison des poissons dans les rivières.

  • Les conséquences de cet effet barrière sont multiples : diminution du territoire de chasse, limitation pour la recherche d’eau et de nourriture, empêchement ou gêne des migrations saisonnières, perte d’itinéraires de fuite..
  • A plus long terme, la fragmentation accrue des territoires limite les contacts entre les individus au sein d’une même espèce. Il en résulte une perte de diversité génétique qui peut se traduire par une vulnérabilité accrue aux maladies et une hausse de la mortalité

Des risques de collision, d’empêtrement et de piégeage  

  • Si la clôture n’est pas suffisamment visible ou si les animaux tentent de la franchir, le risque de mortalité et de blessure est réel : collisions d’oiseaux et de chiroptères (risque avéré pour les rapaces qui plongent en piqué pour attraper leurs proies), effet collet si l’animal se retrouve coincé dans une maille de grillage, etc… 
  • Le risque est renforcé quand les grillages sont vétustes, affaissés ou détachés. 

Les capacités de franchissement varient selon les espèces, mais varient aussi selon les individus au sein d’une même espèce. 

  • Chevreuils et cerfs peuvent franchir des obstacles jusqu’à 2 mètres de hauteur mais aussi se faufiler par des trous dans le grillage. Dans les deux cas, l’animal peut s’empaler sur la clôture, se blesser gravement, ou s’empêtrer dans le grillage.
  • Les sangliers emboutissent le bas des clôtures qu’ils soulèvent et détériorent.
  • La petite faune (hérissons, lapins, etc…) va plutôt exploiter les brèches disponibles. 

Le danger des poteaux creux

  • Le danger des poteaux creux est connu depuis la fin des années 70. Ces derniers peuvent devenir un piège mortel pour la petite faune et particulièrement pour les espèces cavernicoles qui prospectent les cavités à la recherche de gîte ou de nourriture : oiseaux, chiroptères, reptiles, petits mammifères comme les écureuils, insectes… 
  • Après s’être introduits à l’intérieur du poteau, ces espèces ne parviennent plus à ressortir et meurent rapidement, de soif et d’épuisement. 
  • C’est la raison pour laquelle la capotage des poteaux est désormais vivement recommandé, avec des résultats plus ou moins efficaces selon le type de « bouchons » utilisés. 

La faune sauvage est impactée par la multiplication des clôtures qui entourent les centrales solaires photovoltaïques. L'éco-conception est une solution.

Mieux intégrer les enjeux de biodiversité ? 

Une démarche d’éco-conception va consister à analyser les risques et les impacts éventuels et à déployer des stratégies pour prévenir ces impacts écologiques. Chaque site d’implantation est différent. Il faut travailler au cas par cas, en collaboration étroite avec les écologues et les bureaux d’études spécialisés : 

  • inventorier les espèces présentes
  • anticiper les risques d’intrusion et fixer des objectifs d’étanchéité faunistique. 

Dans le guide PIESO, mentionné plus haut, la clôture des centrales photovoltaïques fait l’objet de recommandations spécifiques. La mesure ER18, relative à « l’adaptation de la clôture au passage de la faune », revient sur l’importance de ne pas obstruer les corridors écologiques et  de rendre la clôture perméable au passage de la petite faune, reptiles, amphibiens et petits mammifères.

Parmi toutes ces recommandations : 

  • Limiter la hauteur de la clôture à 2 mètres, pour ne pas gêner les oiseaux et les chiroptères.
  • Renoncer aux bords saillants pour ne pas blesser les mammifères qui tenteraient de franchir l’obstacle. 
  • Choisir un grillage dont les mailles ont un diamètre suffisant pour laisser passer de petits vertébrés. 
  • Favoriser la perméabilité au sol (espace de 10 cm sous le grillage, brèches pour la petite faune, route à hérissons, etc…). Si le grillage choisi est de type parc à gibier, il est recommandé de le poser de manière inversée (les plus grandes mailles en bas).
  • Assurer la visibilité des clôtures (dispositif de visualisation à destination des animaux, plantation de haies aux abords.  
  • Éviter de placer des facteurs susceptibles d’attirer les animaux (points d’eau, fourrage, etc…) aux abords immédiats de la clôture. Ce point est particulièrement important lorsqu’il est question d’agrivoltaïsme (cultures sous les panneaux, abreuvoirs pour les bêtes, etc…)
  • L’emploi de fil de fer barbelé et de clôtures électrifiées est à proscrire. 
  • Utiliser des poteaux « inoffensifs », sans orifice sommital ou dotés d’un capotage pérenne. 
  • Pendant la phase d’exploitation, vérifier régulièrement l’état de la clôture et du grillage.

Sur la question spécifique des clôtures, un guide très complet à destination des porteurs de projets photovoltaïques a été réalisé par le Cabinet X-AEQUO, avec le soutien de l’OFB (Office Français de la Biodiversité) et de l’ADEME. Ce guide permet d’identifier les choix techniques à effectuer et les diverses solutions d’atténuation qui peuvent être mises en place.

Une étude est également en cours dans le cadre du projet Polymor-FENCE (2024-2026), centré spécifiquement sur les clôtures des centrales photovoltaïques et financé par l’ADEME. 

  • L’ensemble de ces questionnements est désormais regroupé sous le nom de fence ecology, écologie des clôtures, un domaine d’études appliqué à part entière. 

En France, la loi n°2023-54 du 2 février 2023, visant à limiter l’engrillagement des espaces naturels et à protéger la propriété privée, prévoit la mise en conformité de l’ensemble des clôtures existantes d’ici 2027, avec l’objectif de rétablir les continuités écologiques et de permettre le déplacement sans contraintes des espèces animales dans les espaces naturels. 

Conclusion

Il est impératif d’accélérer notre transition énergétique, mais il est tout aussi impératif de protéger la biodiversité et notre environnement. La responsabilité des développeurs photovoltaïques est claire : limiter au maximum l’impact écologique des centrales, dans un contexte de développement massif de ces installations. L’éco-conception, appliquée aux clôtures comme à l’ensemble des équipements, fait partie des solutions durables pour tenir cet objectif. 

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