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Définir le photovoltaïque agricole, entre solaire agri-compatible et agrivoltaïsme

Face à la recrudescence des projets photovoltaïques sur les parcelles agricoles, la loi française a imposé en mars dernier un cadre législatif très strict pour définir le photovoltaïque agricole.

Il en résulte une distinction marquée entre les installations qui relèvent de l’agrivoltaïsme et les installations solaires dites « compatibles ».

Adrien Brunetti, chef de projet en développement photovoltaïqueNotre expert : Adrien Brunetti

Adrien Brunetti, chef de projet en développement photovoltaïque chez UNITe, revient sur les enjeux de cette définition et sur la relation nécessaire entre approvisionnement agricole et approvisionnement en énergie verte.

L’interview

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Energie photovoltaïque et terres agricoles, un mariage forcé ?

Photovoltaïque : une énergie désormais incontournable

Impossible aujourd’hui de nier les avantages qu’offre l’énergie solaire.

  • C’est une énergie verte et décarbonée, qui répond efficacement au défi de la transition énergétique et du changement climatique.
  • C’est une énergie recyclable à 96%. Les panneaux solaires sont principalement composés de silicium et n’utilisent pas de terres rares.
  • C’est une énergie silencieuse et non polluante. 
  • C’est une énergie infinie, qui utilise le rayonnement solaire.
  • C’est une énergie qui n’artificialise pas les sols. L’installation solaire ne détourne pas le terrain de sa fonction première
  • C’est une énergie fiable et compétitive. Sa compétitivité est assurée par :
  • le fort rendement des panneaux photovoltaïques sur le long terme
  • la durée de vie des centrales (estimée entre 20 et 30 ans)
  • le prix des panneaux photovoltaïques, qui a été divisé par 100 en seulement 20 ans.
  • C’est une énergie qui peut être installée en quelques semaines, contrairement aux centrales éoliennes ou nucléaires qui nécessitent de plus lourds investissements.

Pour toutes ces raisons, le déploiement de fermes agrivoltaïques constitue un compromis durable à l’abandon progressif des énergies fossiles.

L’attrait des producteurs photovoltaïques pour les terres agricoles

Aujourd’hui, les développeurs de projets photovoltaïques sont à la recherche de nouveaux terrains pour installer des fermes solaires.  C’est en effet au sol que le prix de revient de l’électricité solaire est le plus compétitif.

Le foncier idéal est une terre déjà artificialisée, qui a perdu sa fonction première.

  • C’est le cas des anciennes carrières ou des sites pollués, sur lesquels il est tout à fait possible d’installer des panneaux solaires pour produire de l’électricité.
  • Les terres artificialisées, cependant, ne suffiront pas à remplir les objectifs fixés par l’Europe et la France en matière de déploiement photovoltaïque.

La France s’est engagée à multiplier par 10 la puissance photovoltaïque installée d’ici 2050.

  • Cet engagement a été pris par Emmanuel Macron lors de son discours de Belfort en 2022.
  • Concrètement, cela signifie que nous avons besoin d’installer 100 à 130 GW de capacité solaire photovoltaïque d’ici 2050.

Si l’on veut tenir nos engagements, il est nécessaire de se tourner vers les terres agricoles, dont la surface est estimée à 29 millions d’hectares en France, et de faciliter l’installation de fermes photovoltaïques sur ces terres.

Les parcelles agricoles présentent un intérêt croissant et des discussions s’ouvrent entre les énergéticiens et les agriculteurs-éleveurs, inquiets de voir le foncier agricole leur échapper au profit d’un autre usage.

Le nouveau cadre juridique de la loi d’accélération des énergies renouvelables

Le contexte de la loi AER

En 2022, le déclenchement du conflit armé entre la Russie et l’Ukraine s’est accompagné d’une forte pression sur l’approvisionnement en gaz de l’Europe, ce qui impacte les prix de l’énergie en général.

La conséquence, outre une explosion des prix à la pompe, a été la prise de conscience par les gouvernements européens qu’il était urgent de miser sur d’autres types d’énergie et d’accélérer l’indépendance énergétique de l’Europe.

  • Les Etats membres se sont ainsi engagés à ce que les énergies renouvelables représentent 45% de leur mix énergétique d’ici à 2030 !
  • En France, cet effort porte principalement sur l’éolien off-shore et sur l’énergie photovoltaïque.

Le 10 mars 2023, la loi AER, dite « d’accélération des énergies renouvelables » a été promulguée, puis publiée au Journal officiel le 11 mars 2023.

  • L’une de ses mesures phares consiste en la définition, par les services municipaux, de « zones d’accélération prioritaires » sur le territoire de chaque commune.
  • Aujourd’hui, il s’écoule en moyenne 2 années entre la sécurisation du foncier et la délivrance du permis de construire pour une centrale solaire, le temps d’obtenir toutes les autorisations nécessaires.
  • Via ce système de zones, la loi vise à simplifier les procédures administratives et à « diviser par deux » le temps de mise en place des projets.
  • Elle vise aussi à équiper prioritairement le bâti existant, comme les toitures et les parkings.

Encadrer et définir le photovoltaïque agricole

La loi AER cherche aussi à encadrer plus rigoureusement la mise en place de projets photovoltaïques sur les terres agricoles.

Très attendu par les développeurs et les associations paysannes, le travail de définition du législateur a conduit à distinguer deux catégories de projets photovoltaïques pertinents sur terres agricoles :

  • les installations agrivoltaïques, qui relève de l’agrivoltaïsme
  • les installations photovoltaïques compatibles avec l’exercice d’une activité agricole, ou solaire agri-compatible. 

Infographie

Photovoltaïque agricole : agrivoltaïsme vs photovoltaïque agri compatible

La définition de l’agrivoltaïsme

Apparu en 2011, le terme « agrivoltaïsme » était utilisé à tort et à travers pour désigner indistinctement tous les projets d’installation de panneaux solaires sur les terres agricoles.

L’article 54 de la loi AER vient combler ce vide juridique et donne une définition précise à l’agrivoltaïsme.

Selon les termes de la loi : « Est considérée comme agrivoltaïque une installation qui apporte directement à la parcelle agricole au moins l’un des services suivants […]

  • L’amélioration du potentiel et de l’impact agronomique
  • L’adaptation au changement climatique
  • La protection contre les aléas
  • L’amélioration du bien-être animal

L’activité agricole demeure l’activité principale de la parcelle. La production d’énergie photovoltaïque est considérée comme secondaire.

Les modules photovoltaïques doivent « contribuer durablement à l’installation, au maintien et au développement d’une production agricole », tout en assurant « un revenu durable » à l’exploitant.

Toute installation qui porterait « une atteinte substantielle à l’un des services mentionnés » ou qui ne serait pas réversible ne peut être considérée comme agrivoltaïque.

  • Cette définition multicritères a le mérite de donner des gages de responsabilité aux porteurs de projets.
  • L’agrivoltaïsme est ici clairement mis au service de la production agricole et alimentaire. 

Un projet comme celui de Mézos, dans les Landes, peut être qualifié d’agrivoltaïque dans le mesure où les panneaux solaires, installés sur des bassins de pisciculture, procurent un service direct à l’exploitation : les ombrières photovoltaïques améliore le confort animal en apportant de l’ombre aux bassins, ce qui diminue la température de l’eau et diminue le stress des poissons d’élevage. Elles permettent aussi de protéger les truites des oiseaux marins.

Les installations photovoltaïques compatibles avec l’exercice d’une activité agricole

La loi AER apporte une distinction entre les installations agrivoltaïques, qui répondent aux critères énoncés ci-dessus, et les installations qui sont simplement compatibles avec l’exercice d’une activité agricole.

Sur ce type d’installation, le producteur photovoltaïque dégage une marge qui lui permet de verser un loyer à l’exploitant agricole.

  • Ces installations ont pour but premier de produire de l’électricité et de générer un bénéfice économique.
  • Elles sont conçues pour ne pas gêner la production agricole.

Un exemple type de solaire agri-compatible est la mise en place de modules photovoltaïques dans les champs de cultures céréalières. Les lignes de modules sont espacées d’environ 5 à 8 mètres pour permettre le passage d’engins agricoles.

Dans de nombreux cas, l’installation photovoltaïque compatible apporte également un service :

  • Les animaux d’élevage (ovins, bovins…) peuvent bénéficier de l’ombre générée par les ombrières, qui constituent aussi des abris en cas d’aléas climatiques ou de forte chaleur.
  • Dans le cas de volières photovoltaïques, les panneaux solaires renforcent les filets, apportent du confort aux volailles et protègent les points d’eau des déjections d’oiseaux, ce qui diminue le risque de transmission de la grippe aviaire.
  • Les revenus locatifs que touchent l’exploitant agricole peuvent être réinvestis dans l’exploitation.
  • L’exploitant peut également bénéficier de l’autoconsommation ou de la revente du surplus de l’électricité produite

Agrivoltaïsme et solaire agri-compatible : les enjeux d’une définition

Qu’il s’agisse d’agrivoltaïsme au sens strict ou de solaire agri-compatible, l’enjeu législatif est bien d’assurer une véritable synergie de fonctionnement entre production alimentaire et production d’énergie.

Plusieurs acteurs de la filière soulignent cependant les effets pervers de la loi et de sa définition très stricte de l’agrivoltaïsme.

  • Ils interpellent sur le fait que les documents d’aménagement du territoire, notamment les PLU (plans locaux d’urbanisme), utilisent l’expression « PV (photovoltaïque) autorisé si agrivoltaïque » pour définir la nature des parcelles.
  • Si le terme « agrivoltaïque » est interprété dans le sens très strict de l’article 54,  cela peut bloquer la mise en œuvre de projets solaires agri-compatibles et retarder considérablement  leur installation !

Défendre une utilisation raisonnée et maîtrisée des terres agricoles

La garantie apportée par la loi va dans le sens du discours professé par les développeurs depuis plusieurs années. Production agricole et production énergétique peuvent cohabiter, sans remettre en cause la souveraineté alimentaire de la France et le potentiel agronomique des terres concernées.

Les développeurs de projets photovoltaïques ont à cœur de répondre aux craintes et inquiétudes formulées par les exploitants et les citoyens. Parler de photovoltaïque agricole, c’est en effet s’exposer à un certain nombre d’idées reçues qui minent l’acceptabilité des projets.

« Non, le photovoltaïque ne va pas dévorer les terres agricoles »

L’objectif français est d’installer 100 à 130 GW de capacité solaire d’ici 2050. Si l’on repartit cet objectif entre terres déjà artificialisées et terres agricoles, cela revient à installer 65 GW de capacité photovoltaïque au sol sur des parcelles agricoles.

  • Dans l’état des technologies actuelles, nous avons donc besoin d’investir 60 000 hectares de terres agricoles pour y installer des panneaux solaires.
  • C’est 10 fois moins que la surface de terres allouées à la construction immobilière chaque année.
  • Cela correspond à 0,2% de la surface agricole française !

Peu de risques donc de voir les campagnes et les champs de cultures se transformer en champs de panneaux solaires. Le photovoltaïque n’est pas un ogre. Il ne va pas défigurer la campagne.

« Oui, le photovoltaïque sait cohabiter avec les exploitations agricoles »

Toutes les expériences de photovoltaïque agricole menées jusqu’à présent montrent que la cohabitation des deux usages sur la même parcelle est tout à fait possible.

Qu’il s’agisse d’agrivoltaïsme au sens de l’article 54 de la loi AER, ou de solaire agri-compatible, l’objectif de tout projet photovoltaïque est de respecter deux engagements fondamentaux :

  • ne pas porter atteinte à la production agricole
  • assurer l’approvisionnement en énergie décarbonée.

Plus important encore, dans les deux cas, c’est bien à la production énergétique de s’adapter à la production agricole, et non l’inverse. Il n’est aucunement question de prioriser l’énergie sur l’alimentation.

Préserver les terres agricoles demeurent la priorité

La vision du photovoltaïque agricole chez UNITe

La vision d’UNITe s’inscrit dans une perspective bien établie de coopération avec les acteurs du monde agricole.

Dans une tribune récente, Stéphane Moreau, directeur général, souligne que l’agrivoltaïsme français est prêt à collaborer efficacement avec les éleveurs et agriculteurs pour construire des projets agrivoltaïques pertinents, sans nuire à l’approvisionnement et à la souveraineté alimentaire française.

Pour convaincre, il est nécessaire de dialoguer avec les agriculteurs et les éleveurs, mais aussi avec les élus locaux. C’est en discutant, en apprenant à se connaître, que énergéticiens et acteurs du monde agricole pourront préserver l’espace rural qui doit demeurer un lieu de vie, une réserve de biodiversité et un espace social !

Améliorer les connaissances sur le photovoltaïque agricole

Depuis 2023, UNITe fait partie des entreprises signataires d’un protocole d’accord encadré par l’INRAE, l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement.

  • L’Institut a mis en place un Pôle national de recherche sur l’Agrivoltaïsme, qui rassemble environ 70 acteurs publics et privés.
  • Son objectif ?  Mieux comprendre le comportement agricole sous les panneaux et produire des données scientifiques, fiables et objectives pour prouver que production agricole et production énergétique sont compatibles.

UNITe collabore également avec la Fédération Nationale Ovine (FNO) pour améliorer la conception technique de ses centrales et l’adapter aux différentes typologies d’exploitation.

Conclusion

La loi d’accélération des énergies renouvelables, en promulguant une définition stricte de l’agrivoltaïsme et du solaire agri-compatible, garantit la bonne santé de l’exploitation agricole qui accueille une installation photovoltaïque et veille aux synergies positives entre les deux activités. 

Le groupe UNITe est plus que jamais engagé auprès des acteurs agricoles pour concilier transition énergétique et souveraineté alimentaire.

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