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Énergie verte et gestion des sols : comment les énergies renouvelables vont impacter les sols d’ici 2050

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En 2019, la France s’est engagée à atteindre la neutralité carbone en 2050.  Cet engagement, porté par la loi 2019-1147 dite Loi Energie-Climat, implique un recours de plus en plus massif aux énergies renouvelables (EnR).

L’ADEME, l’Agence De l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie, a récemment publié une série de rapports ayant trait au déploiement des EnR et à la gestion des sols.

Paul Streichenberger, chef de projet photovoltaïque chez UNITe, revient sur ces rapports et leurs conclusions.

Les engagements de la France vis-à-vis des énergies vertes

Atteindre la neutralité carbone en 2050

La loi Energie-Climat, adoptée le 8 novembre 2019, fixe les objectifs suivants :

  • D’ici à 2030, 32 % de l’énergie consommée et 40% de l’énergie produite en France sera de sources renouvelables (éolien, photovoltaïque, hydroélectrique…)
  • Le pays doit atteindre la neutralité carbone en 2050, c’est-à-dire « l’équilibre entre les émissions de carbone et l’absorption du Co2 dans l’atmosphère ».

Pour rappel, les énergies fossiles sont responsables de près de 85% des émissions mondiales de CO2 (chiffres 2021). Il est primordial, si l’on veut réduire ces émissions, d’y substituer des technologies bas ou zéro carbone.

La France part avec un avantage certain :

  • Elle est le deuxième gisement de vent en Europe, le cinquième pour l’ensoleillement.
  • Le pays dispose de la deuxième zone économique exclusive maritime mondiale et d’importantes surfaces agricoles et forestières.

La stratégie nationale bas-carbone (SNBC) de la France est la feuille de route de cette transition. La Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), élaborée pour deux périodes consécutives de 5 ans (2019-2023 puis 2024-2028), établit les priorités d’action du gouvernement en matière de trajectoire énergétique.

Des scénarios de transitions unanimes

En 2021, l’Agence de la Transition écologique (ADEME) a publié 4 scénarios permettant d’atteindre la neutralité carbone en 2050.

Ces scénarios se basent sur des choix économiques, techniques et sociétaux différents.

  • Le scénario S1 « génération frugale » impose la sobriété et de profondes transformations de nos modes de vie.
  • Le scénario S2 « coopérations territoriales » prend le chemin de la gouvernance partagée, de l’économie de partage et de la coopération.
  • Le scénario S3 « technologies vertes » mise sur le développement des énergies renouvelables pour répondre aux enjeux environnementaux.
  • Le scénario S4  « pari réparateur » ne préconise pas de changement de société mais se montre confiant en notre capacité à réparer les dégâts occasionnés par nos modes de vie.

Ces scénarios, mais aussi le scénario de transition négaWatt et les scénarios Futurs énergétiques RTE, font tous le même constat : les installations EnR vont assurer entre 50 et 100% de la production électrique d’ici 2050 !

Le déploiement des énergies renouvelables en France présente donc plusieurs avantages :

  • Il permet de sortir de l’utilisation des énergies fossiles.
  • C’est l’un des moyens les plus sûrs pour atteindre la neutralité carbone en 2050.
  •  En implantant la production sur le territoire, il permet de réduire la dépendance aux importations (gaz, pétrole…) et renforce notre indépendance énergétique.

De l’importance d’une bonne gestion des sols

Rendre une énergie « verte » ne se limite pas à réduire son empreinte carbone. Tout n’est pas « vert » dans le déploiement des EnR !

Comme tout aménagement, les centrales EnR exercent des pressions sur les sols tout au long de leur cycle de vie, de la construction au démantèlement. Conjugué à l’agriculture intensive, au défrichement et à l’urbanisation galopante, le déploiement de nouvelles centrales fait craindre, d’ici 2050, l’érosion de nos ressources en sol.

Non renouvelable à l’échelle d’une vie humaine, cette ressource produit pourtant 95% de notre alimentation et abrite 25% de la biodiversité terrestre. Un sol en bonne santé régule également le cycle de l’eau et participe à l’absorption des émissions de Co2.

Sur 55 millions d’hectares en France métropolitaine :

  • 52% sont des sols agricoles (dont 70% de surfaces cultivées)
  • 39% sont des sols naturels (dont 79% de forêts)
  • 9% sont des surfaces artificialisées

L’impact des scénarios Transition(s) 2050 sur les sols en France

L’interview

Notre expert : Paul Streichenberger, chef de projet photovoltaïque chez UNITe, revient sur ces rapports et leurs conclusions.

Au format vidéo :

Retrouvez le podcast :

L’emprise au sol des EnR

  • Si la France veut tenir ses engagements 2050, moins d’un million d’hectares sont nécessaires à l’implantation d’installations de production d’électricité verte.
  • C’est plus précisément 0,85 – 0,95 million d’hectares de terres, soit seulement 1,5 à 1,7% du territoire métropolitain.

Ces chiffres, publiés par l’ADEME, s’appuient sur les 4 scénarios Transition(s) 2050 et concernent la quasi-totalité des filières.

  • L’éolien terrestre est la technologie qui devrait générer, d’ici 2050, la plus importante emprise foncière sur les sols français (jusqu’à 280 000 hectares).
  • Le solaire photovoltaïque arrive en deuxième position, avec une emprise évaluée entre 75 000 et 135 000 hectares.

Rappelons que les premières sources de prédation des terres demeurent de très loin la construction immobilière, l’extension des réseaux routiers et les équipements industriels.

Une faible imperméabilisation des sols

Le rapport de l’ADEME précise également que sur le million d’hectares alloué aux énergies vertes, moins de 10 000 hectares de terres seraient imperméabilisés.

  • Une surface imperméabilisée est une surface dont le sol est scellé sous une couverture minérale hermétique, qui empêche toute interaction physique entre le sol et l’atmosphère.
  • C’est le cas des sols sur lesquels sont installées les dalles de fondation, les voiries lourdes d’accès à la centrale EnR, les postes de livraison électrique ou encore les assises en béton des structures dans le cas où des fondations sont nécessaires.

La notion d‘imperméabilisation des sols ne doit pas être confondue avec la notion plus vaste d’artificialisation des sols, qui se définit comme l’altération durable de tout ou partie des fonctions écologiques d’un sol, en particulier de ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques, ainsi que de son potentiel agronomique (Loi Climat et Résilience de 2021).

Quelles incidences sur la qualité des sols ?

Une centrale EnR, en fonction de la technologie utilisée et de sa conception, peut être amenée à détériorer les sols et à impacter leur équilibre si elle a été mal conçue.

  • Détérioration de la structure et de l’équilibre physico-chimique (imperméabilisation, tassement, modification de la porosité et de l’humidité, couvert végétal dégradé, réduction de l’activité biologique et biochimique…)
  • Modification du microclimat (effet d’ombrage, réduction de lumière, effet « îlot de chaleur »…)

Ces impacts peuvent affecter les fonctions écologiques du sol, comme la capacité à stocker de l’eau et du carbone et à héberger la biodiversité.

L’imperméabilisation partielle des sols et une mauvaise gestion des ruissellements d’eau de pluie peut entraîner une érosion localisée et impacter le couvert végétal.

De bonnes pratiques pour concilier EnR et gestion des sols

L’application systématique du principe ERC

On ne saurait insister sur l’importance du principe ERC (Eviter, Réduire, Compenser) dans la planification des futures centrales EnR en France. Associé à une bonne gestion des sols à l’échelle nationale et territoriale, ce principe permet d’inclure la préservation de la ressource « sol » à toutes les étapes de vie des centrales.

  • Pour éviter les impacts, les développeurs peuvent privilégier les sites dégradés ou déjà artificialisés, ou choisir des sites à moindre enjeux environnementaux.
  • Pour les réduire, le développeur peut adapter le calendrier des travaux ou encore maintenir la végétation autour de la centrale.
  • En dernier recours, le développeur peut compenser les impacts en apportant une contrepartie (restaurer un site naturel, réajuster le suivi environnemental…)

Infographie E.R.C : éviter / réduire / compenser

Séquence E.R.C. : acronyme, définition, explications

Favoriser les co-usages dans la gestion des sols

La technologie éolienne, malgré son emprise importante, présente de nombreuses possibilités de co-usages de l’espace : elle est compatible avec des usages NAF (naturels, agricoles, forestiers), voire même tertiaires et industriels. La majorité des parcs éoliens, aujourd’hui, sont implantés en zones agricoles.

Des co-usages sont également possibles avec la technologie photovoltaïque, comme illustré par la montée en puissance des projets d’agrivoltaïsme et de solaire agri-compatible.

Ces logiques sont à promouvoir et peuvent réduire très significativement l’impact du déploiement des EnR sur les sols d’ici 2050.

Conclusion

Les récentes publications de l’ADEME confirment que la surface allouée aux infrastructures de production d’énergies renouvelables, d’ici 2050, va demeurer relativement faible. En dépit du nécessaire déploiement des EnR dans le futur, la mise en place de bonnes pratiques de gestion des sols permettra de préserver cette ressource qui nous est essentielle.

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