Par Stéphane Maureau, Directeur Général chez UNITe*
Jamais le prix de marché de l’électricité européen n’avait atteint de tels sommets qu’en 2022. Jamais on n’aurait pu imaginer devoir appeler les entreprises et les citoyens à restreindre volontairement et intensément leur consommation d’électricité, afin d’éviter ou de limiter les risques de coupures ou de délestage cet hiver. On sait déjà que tout au long de la décennie à venir, les opérations de maintenance programmées des centrales nucléaires françaises continueront à maintenir le réseau électrique français sous tension, et pas seulement en hiver.
Autant dire que dans le mix électrique français des prochaines années, chaque mégawatt ajouté comptera. Mais ceux qui compteront le plus sont ceux pouvant être ajoutés le plus rapidement possible. Or, c’est exactement ce que l’agrivoltaïsme permet. À la clé : une production d’électricité locale, durable et compétitive sans dégrader l’activité agricole, qu’il s’agisse de culture ou d’élevage.
Avant d’aller plus loin, tuons dans l’œuf l’idée que agri et voltaïsme sont antagonistes. La surface agricole utile française est en effet évaluée à 28 millions d’hectares. L’ambitieux projet de disposer de 100 GW de production électrique grâce au photovoltaïque à horizon 2050, lui, ne s’installerait au total que sur…200 000 hectares ! Soit 0,7% du total des terres cultivées françaises. 200 000 hectares qui ne seraient en rien privés de leur potentiel agricole, bien au contraire.
L’ombre portée des panneaux solaires permet ainsi à des fermes piscicoles de contrôler la température des bassins. Elle offre aussi un abri à des élevages de volaille en plein air, comme des canards ou encore des poulets de chair. Même le bétail, qu’il s’agisse d’ovins ou de bovins, coexiste sans difficulté avec de grandes surfaces de panneaux solaires. La surélévation des panneaux augmente certes le coût de leur installation, sans pour autant nuire à l’équilibre économique de la ferme solaire.
Côté agriculture, les cultures maraîchères ayant besoin d’ombre pour ne pas être grillées par le soleil sont aussi nombreuses. On pense notamment aux brocolis et aux choux.
Il est même possible de surélever des panneaux pour les installer au-dessus de pêchers, abricotiers et poiriers, sans nuire aucunement à la production. Ces arbres fruitiers reçoivent encore 75% de la lumière du soleil, ce qui ne contrarie en rien la photosynthèse, et le développement de leurs fruits. Il est même démontré que l’ombre prodiguée par les panneaux solaires permet de limiter le stress radiatif de certaines plantations qui y sont très sensibles, tout en limitant l’évapotranspiration aux heures les plus chaudes de la journée et en générant une baisse de température de plusieurs degrés en été. Mieux encore : les panneaux solaires peuvent aussi… protéger les cultures des épisodes climatiques extrêmes, comme les orages de grêle, de plus en plus fréquents ! Si l’on sait construire des panneaux qui résistent aux grêlons, les plantes, elles, sortent toujours hachées menues d’un tel épisode météorologique, après ne serait-ce que quelques secondes de giboulées.
Il est possible, sur certains sites agricoles, que l’installation photovoltaïque n’apporte pas de service spécifique à l’activité. Néanmoins, l’installation peut être réalisée sans gêner l’activité agricole et permet, outre ses vertus énergétiques, d’assurer un revenu complémentaire aux agriculteurs et donc une sérénité économique à un secteur en souffrance et des moyens d’investissement pour améliorer l’exploitation.
On le voit : la production d’électricité à l’aide de panneaux photovoltaïques, l’élevage et l’agriculture sont parfaitement compatibles. Pourvu que l’on se donne la peine de les rendre compatibles ! Ce, d’autant que le complément de revenu que l’agriculteur ou l’éleveur tirera de la location de ses terres, en plus de continuer à les exploiter, changera du tout au tout l’équilibre économique de son exploitation. Et s’il est en fermage, le revenu doit être intelligemment partagé entre le propriétaire et l’exploitant.