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La loi d’accélération des énergies renouvelables (EnR)

Nouvelle loi d’accélération des énergies renouvelables : un coup de frein pour les centrales photovoltaïques ? 

Le 7 février 2023, la nouvelle loi d’accélération des énergies renouvelables (EnR) a été adoptée. Elle ambitionne de rattraper le retard de la France dans le déploiement des énergies renouvelables et de réduire les délais de traitement des dossiers.

Cette loi tient-elle ses promesses ? 

Xavier Permingeat, directeur d’activité photovoltaïque chez UNITe, revient sur les différents points de crispation engendrés par le texte et ses insuffisances

Le contexte de la nouvelle loi d’accélération des énergies renouvelables 

Crise énergétique :  une actualité brûlante

La loi d’accélération des EnR, défendue par Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition énergétique, a été présentée dans un contexte de crise, alimenté par la guerre en Ukraine, la menace de coupures d’électricité et les aléas du réchauffement climatique. 

Elle concerne principalement les secteurs éolien et photovoltaïque, et doit être complétée par une loi sur le nucléaire et par la future programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), au second semestre 2023.  

Selon la ministre, le texte doit permettre de « lever tous les verrous qui retardent le déploiement des projets d’énergies renouvelables », en « divisant par deux » le temps de déploiement de ces projets.

Les EnR en France à l’horizon 2050

La France est le seul pays européen à ne pas avoir atteint ses objectifs en matière de déploiement des énergies renouvelables en 2022 : 19,3% de part des EnR dans le mix énergétique (au lieu des 23% initialement visés). 

Emmanuel Macron s’est pourtant engagé à construire 50 parcs éoliens en mer et à multiplier par 10 notre capacité de production d’énergie solaire pour dépasser les 100 GW en 2050. 

D’après les chiffres avancés par le nouveau rapport de l’Agence internationale de l’énergie, les énergies renouvelables sont amenées à dépasser le charbon dès 2025 en tant que première source d’énergie dans le monde. Le parlement européen a d’ores et déjà revu ses objectifs à la hausse.

Il est donc plus que nécessaire d’accélérer la production d’énergies décarbonées sur le territoire français. 

L’épisode du podcast de UNITe

UNITe a lancé un podcast autour de la production d’une énergie respectueuse de l’environnement, locale et durable : Photovoltaïque, éolien, hydroélectrique…

Retrouvez le podcast :

Les dispositions de la nouvelle loi d’accélération des énergies renouvelables : notre analyse

Si Xavier Permingeat salue l’adoption de certaines mesures, qui devraient permettre de libérer de nouveaux terrains et de naviguer plus aisément dans l’arsenal juridique français, notre expert tient à souligner les potentiels effets pervers de certaines dispositions

loi d'accélération des enr infographie

La mise à disposition de nouveaux terrains pour les projets EnR

Le texte de loi prévoit :

  • de faciliter l’installation de panneaux solaires aux abords des routes, des autoroutes et des grands axes
  • de renforcer l’obligation d’installer des panneaux photovoltaïques sur les bâtiments non résidentiels, neufs ou récemment rénovés
  • d’équiper d’ombrières photovoltaïques tous les parkings extérieurs de plus de 1 500 m2.
  • Le texte va également permettre, sous certaines conditions, de déroger à la loi Littoral et à la loi Montagne pour exploiter de nouvelles friches susceptibles d’accueillir des projets d’énergies renouvelables.  

L’avis de Xavier ? 

C’est un point plutôt positif, dans la mesure où il est très compliqué pour des groupes comme UNITe de trouver de nouveaux terrains à exploiter aujourd’hui. 

En revanche, installer des ombrières sur les parkings de plus de 1 500 m2 ne sera pas simple à mettre en place. 

Un projet photovoltaïque se conçoit en partenariat avec le propriétaire sur une période minimum de 25-30 ans. Cela va constituer un obstacle pour les propriétaires de ces terrains, désireux de garder la main sur leur foncier pour en disposer à leur guise. Ils préféreront payer une amende (qui risque d’être négligeable par rapport à leur chiffre d’affaires), plutôt que de bloquer leur foncier. 

Par ailleurs, une installation photovoltaïque, pour être rentable, a généralement besoin de se déployer sur bien plus que 1 500 m2 de surface ! On entend déjà les propriétaires de petits parkings réclamer des aides d’État pour déployer du photovoltaïque. 

Des projets EnR favorisés par la reconnaissance de « raisons impératives d’intérêt public majeur »

L’article 4 énonce une mesure qui était très attendue par les développeurs de projets d’énergies renouvelables : la présomption d’existence d’une « raison impérative d’intérêt public majeur » (RIIPM).

  • Cette mesure reprend, dans les grandes lignes, les dispositions d’un règlement européen de décembre 2022.
  • Concrètement, elle va faciliter l’obtention d’une dérogation au dispositif Espèces protégées (tel qu’il est prévu à l’article L.411-1 du Code de l’environnement). Attention, certaines conditions sont d’ores et déjà prévues : par exemple le maintien de l’espèce dans un bon état de conservation, et l’absence de solution alternative satisfaisante. 

L’avis de Xavier ? 

Cette disposition suscite, ce qui est compréhensible, l’inquiétude des écologistes et des associations de protection de la biodiversité. Les conditions du texte sont encore floues, mais il faut souligner qu’il ne s’agira pas d’une dérogation automatique ! 

Les « zones d’accélération » prioritaires, une fausse bonne idée ? 

La loi prévoit la mise en place d’un dispositif de planification, avec des « zones d’accélération », prioritaires au déploiement de projets d’énergies renouvelables.

  • Ces « zones prioritaires » vont être définies par les élus locaux, en concertation avec les habitants de chaque commune. 
  • Elles vont faire l’objet de discussions inter-communales avant d’être envoyées à un référent de la préfecture, pour une synthèse départementale
  • L’avis du Comité Régional de l’Énergie sera également sollicité. 
  • Les documents d’urbanisme seront ensuite actualisés en conséquence. 

L’avis de Xavier ? 

Cette mesure inquiète et suscite beaucoup de scepticisme.

La mise en place de cette cartographie pourrait prendre plusieurs années. Cela risque de ralentir de 2 ou 3 ans, voire de bloquer les projets photovoltaïques actuellement en cours de développement. 

Elle est synonyme de complexité et de lourdeur administrative, incompatibles avec l’ambition affichée de la loi de simplifier les procédures et de « raccourcir les délais de développement ». 

L’autre souci, c’est le rôle crucial dévolu aux maires dans la définition de ces zones prioritaires. Ce n’est pas un « veto » à proprement parler, mais cette mesure ouvre une boîte de Pandore. Elle va servir d’excuse aux reculades et rebuffades de certains élus, soucieux de maintenir le statu quo avec certains mécontents. 

A terme, toutes ces difficultés risquent de nuire aux projets de développement de centrales photovoltaïques et à leur rentabilité.

Quelles conséquences pour les projets photovoltaïques ? 

Si la loi, de manière générale, ne remet pas en question l’essor du photovoltaïque en France, elle est néanmoins révélatrice de plusieurs points de crispation et d’une certaine méconnaissance de la réalité de l’énergie solaire. 

Pas de centrales photovoltaïques dans les forêts

 

Le déploiement de vastes projets photovoltaïques, de facto, est totalement interdit dans les zones forestières. Le défrichement de surfaces supérieures à 25 hectares sur ces territoires est en effet prohibé.

Le mirage du solaire en toiture

L’obligation de couvrir de panneaux solaires les parkings extérieurs de plus de 1 500 m2 relève d’une ambition tout à fait louable. Il ne s’agit évidemment pas de contester l’importance d’installer des panneaux photovoltaïques sur les toitures. 

Mais dans un contexte où produire de l’énergie sur une surface déjà bâtie coûte en moyenne deux fois plus cher que sur une zone de friche, se concentrer uniquement sur ce type de projet ne suffira pas à remplir nos objectifs (100 GW de production d’énergie solaire en 2050), tout en maintenant un accès à une énergie peu chère pour le contribuable.

Agrivoltaïsme, une définition encore floue

L’agrivoltaïsme consiste à associer une production agricole (élevage, maraîchage, grandes cultures, pisciculture ou viticulture) et une production d’électricité (via une centrale photovoltaïque) sur la même parcelle. 

La pratique, en plein développement en France, est source d’inquiétude dans le monde agricole, qui craint une perte de son foncier et la multiplication des conflits d’usage.  Le sujet est particulièrement sensible. 

La loi d’accélération des énergies renouvelables apporte une nouvelle définition, que beaucoup de professionnels attendaient : 

  • La production agricole doit demeurer l’activité principale, la production d’électricité est « secondaire »
  • Les installations photovoltaïques doivent être réversibles
  • La centrale photovoltaïque ne doit pas affecter les fonctions agronomiques des sols
  • Elle doit apporter une plus-value à l’activité agricole (bien-être animal, protection contre les aléas climatiques, etc…) 

Problème : cette définition n’est pas assez précise. 

Il est très important, souligne Xavier Permingeat, de préciser si le caractère « prioritaire » de l’activité agricole se mesure à l’échelle de la seule parcelle, ou à l’échelle de toute l’exploitation ! Dans le premier cas, il serait impossible d’envisager l’installation de panneaux sur une parcelle agricole, puisque les revenus occasionnées par cette centrale sont la plupart du temps bien supérieurs au rendement agricole de la parcelle ! 

En conclusion

En dépit des insuffisances mentionnées plus haut, la nouvelle loi réaffirme de manière très claire l’importance du secteur photovoltaïque pour les années à venir en France. 

Il n’y a donc pas de remise en question de la bonne santé du secteur.

Les professionnels craignent cependant que cette loi n’occasionne de forts ralentissements dans le déploiement des projets photovoltaïques. Comme le souligne notre expert, ses modalités d’exécution doivent encore être définies

L’objectif demeure de trouver le bon équilibre entre accélération de projets d’énergie renouvelable, implication des acteurs locaux et protection environnementale. 

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