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Deux ans après la loi APER : quel bilan pour les zones d’accélération des énergies renouvelables (ZAEnR) ?

Zones d'accélération des énergies renouvelables (ZAEnR) et loi APER

Table des matières

Adoptée en mars 2023 dans un contexte de crise énergétique, la loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, dite loi APER, ambitionnait de dynamiser le déploiement des EnR sur le territoire. L’une de ses mesures emblématiques : la création des zones d’accélération des énergies renouvelables (ZAEnR), des périmètres définis à l’échelle communale pour identifier les espaces les plus favorables au développement de projets EnR.

Deux ans plus tard, quel est le bilan de ce dispositif ? Les communes ont-elles joué le jeu ? Quelles ont été les principales difficultés rencontrées ? Et les zones proposées sont-elles réellement pertinentes du point de vue des développeurs ?

L’interview : Lidwine Lécuyer

En vidéo :

Basée à Nantes, Lidwine Lécuyer est cheffe de projet photovoltaïque chez UNITe depuis septembre 2024. Elle a travaillé sur l’acceptabilité des projets EnR et dresse ici un premier bilan de la mise en œuvre des ZAEnR en s’appuyant sur le rapport WWF publié en novembre 2024 : « Planification des énergies renouvelables : où en est l’accélération? ». 

Retrouvez le podcast :

 

ZAEnR : un outil de planification territoriale confié aux communes

Avec la loi APER, publiée au Journal officiel le 10 mars 2023, l’État a voulu réconcilier planification énergétique et démocratie locale. L’objectif ? Redonner aux maires un rôle central en leur confiant la mission d’identifier, à l’échelle de leur commune, les zones les plus favorables à l’implantation d’énergies renouvelables terrestres  : solaire, éolien, géothermie, biogaz, etc…

Un exercice à mener en concertation avec les habitants, dans un délai initialement fixé à décembre 2023.

Sur le papier, cette initiative avait tout pour séduire les développeurs de projets : 

  • des procédures administratives simplifiées
  • des délais de traitement raccourcis pour obtenir les permis de construire
  • des bonifications potentielles dans les appels d’offres de la Commission de Régulation de l’Énergie (CRE), qui restaient à définir. 

La création des ZAEnR offrait également une forme de compromis à la revendication, récurrente, d’un « droit de veto des maires ». Une fois les zones favorables identifiées, les communes pouvaient en effet désigner en parallèle des zones d’exclusion, où l’implantation de projets serait proscrite.

L’intention était claire : apaiser les tensions locales, éviter les projets imposés « par le haut » et inscrire la transition énergétique dans une dynamique plus concertée, plus ancrée dans les territoires.

Mais très vite, les premiers retours du terrain ont tempéré l’enthousiasme : un calendrier flou, une charge de travail démesurée, des moyens limités… Deux ans plus tard, le tableau est nuancé : le dispositif des ZAEnR, loin d’avoir tenu toutes ses promesses, laisse un bilan contrasté.

 

L’identification des ZAEnR : un processus complexe

Identifier les zones favorables

La procédure d’identification des zones d’accélération pour les énergies renouvelables (ZAEnR) passe par plusieurs étapes : 

  • Le maire et le conseil municipal identifient un certain nombre de zones propices à l’accueil de projets EnR et les soumettent à la population.
  • Ces zones sont ensuite reportées sur un portail cartographique national, accessible en ligne. 
  • Les propositions sont transmises à des référents désignés au sein des préfectures, chargés d’instruire les dossiers et d’accompagner techniquement les collectivités. 
  • Une fois validées par la préfecture, les zones sont ré-examinées par les Comités Régionaux de l’Énergie (CRÉs), pour validation finale.

Sur le papier, cela semblait simple. Et pourtant, à l’échéance initiale du 31 décembre 2023, moins de 10 % des communes avaient transmis leurs propositions

En novembre 2024, selon des chiffres relayés par le WWF, un peu plus d’un tiers des communes s’étaient effectivement engagées dans le processus. 641 000 ZAEnR potentielles ont été remontées. La moitié d’entre elles ont été validées par les préfectures et les Comités Régionaux.

Le maire et son conseil municipal propose des zones propices au développement de projets EnR et les soumettent à validation.

Pourquoi un tel retard ? 

Un portail cartographique perfectible 

D’abord, parce que l’outil principal mis à disposition des élus, un portail cartographique développé par le Cerema et l’IGN (Institut national de l’information géographique et forestière), était loin d’être opérationnel au moment du lancement du dispositif.

  • L’idée était de mettre à disposition des données objectives, exploitables et fiables, afin d’aider les collectivités à visualiser les enjeux de territoire et à prendre les meilleures décisions.  
  • Problème : à la fin de l’année 2023, les communes faisaient face à une plateforme peu intuitive, incomplète et limitée dans ses fonctionnalités : elle ne permettait ni d’affiner le niveau de priorisation des zones, ni d’évaluer correctement leur sensibilité environnementale.

Note : À l’heure actuelle, ces dysfonctionnements ont été corrigés. Une mise à jour majeure du portail a été déployée à la mi-2024, intégrant de nouvelles données issues de RTE, Enedis et de l’Office français de la biodiversité (OFB). Une version grand public du portail est désormais accessible ici

L’absence d’une feuille de route nationale 

Autre écueil : l’absence de cadre de référence clair pour guider les collectivités. 

  • La Programmation Pluriannuelle de l’Énergie, dite PPE3, document stratégique censé fixer les trajectoires nationales de développements des EnR, n’avait pas été publiée (elle ne l’est toujours pas à l’été 2025…). Sans cette feuille de route, les communes ont dû s’appuyer sur d’autres documents comme les SRADDET (Schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires), bien moins opérationnels pour définir des objectifs concrets.
  • A cette incertitude s’est ajoutée une instabilité politique persistante, marquée par la dissolution de l’Assemblée nationale en 2024 et des tensions récurrentes dans le débat public autour de la place accordée aux énergies renouvelables en France. Dans ce contexte, difficile pour les élus locaux d’engager une planification ambitieuse et structurée. 

Une surcharge de travail pour les communes

À ces obstacles techniques et politiques s’ajoute une réalité de terrain bien connue : le manque de temps, de compétences et de moyens dont disposent de nombreuses communes, en particulier les plus petites.

  • Beaucoup de collectivités rurales n’étaient ni équipées ni préparées à mener un tel travail de planification énergétique. Certaines ont pu bénéficier du soutien de leur intercommunalité mais beaucoup d’autres, sans service urbanisme ni ingénierie dédiée, ont dû se débrouiller seules. 
  • Plusieurs conseils municipaux ont reconnu ne pas maîtriser suffisamment les enjeux liés aux énergies renouvelables, ni les spécificités techniques des différentes filières. Faute de temps pour se former, et face à la complexité de la tâche, certains élus ont préféré renoncer.

À cela s’ajoute une autre difficulté : le manque de cohérence dans la manière dont les territoires ont interprété l’exercice. Certaines communes ont simplement délimité une large zone jugée « favorable », sans réelle précision, tandis que d’autres ont fourni un travail cartographique détaillé, allant jusqu’à spécifier les toitures ou les parcelles visées.

À l’échelle nationale, cette surcharge de travail non anticipée a considérablement ralenti la mise en œuvre du dispositif. Pour beaucoup de maires, la définition des ZAEnR est apparue comme une mission de plus, venue se superposer à des agendas municipaux déjà très chargés, sans que les moyens nécessaires soient réellement au rendez-vous.

 

ZAEnR : l’acceptabilité des énergies renouvelables en question

Au final, à quoi servent réellement ces zones d’accélération ?

  • Aucun avantage tangible pour les développeurs n’a été clarifié à ce jour : Les « bonus » censés être accordés dans les appels d’offres de la CRE n’ont, pour l’heure, pas été clairement définis. Surtout, rien n’empêche un porteur de projet de déposer un dossier en dehors des ZAEnR, ce qui limite fortement la portée incitative du dispositif.
  • Les communes n’ont pas pu définir de zones d’exclusion, faute de cartographie complète, ce qui contribue à renforcer le sentiment d’inachevé.
  • L’exercice reste déconnecté des enjeux de planification à moyen terme, en l’absence de la PPE3 et de documents de cadrage nationaux.

Des zones peu représentatives du potentiel réel des territoires

Au-delà du bilan quantitatif, un autre constat s’impose :  Les zones d’accélération remontées reflètent davantage une logique d’acceptabilité locale qu’une vision stratégique du potentiel énergétique des territoires

  • Environ 70 % des ZAEnR identifiées concernent le solaire photovoltaïque en toiture, une solution perçue comme peu intrusive et donc plus facilement acceptée par les habitants comme par les élus. 

À l’inverse, les autres filières sont largement sous-représentées :

  • L’agrivoltaïsme, faute de consensus, reste marginal. 
  • L’éolien terrestre représente moins de 2 % des zones recensées
  • Le bois-énergie, la méthanisation, ou encore le solaire thermique sont quasi absents, faute de visibilité ou de portage local.

La cartographie qui en résulte ne dit donc pas grand-chose du potentiel réel des territoires. Elle traduit plutôt le niveau de prudence des élus face au risque d’opposition citoyenne. La logique de « moindre conflit » a de toute évidence guidé leurs choix. Impossible dans ces conditions d’obtenir une vision complète et cohérente des besoins énergétiques des territoires. 

La dimension économique et technique des projets a également été négligée. D’après Lidwine Lecuyer, certaines zones remontées se sont avérées impropres au développement de projets, soit parce que les contraintes environnementales étaient trop fortes, soit parce que les projets n’auraient pas été rentables. 

Surtout, l’exercice n’a pas réellement permis d’ouvrir le débat sur la diversité des énergies renouvelables, ni sur les conditions de leur intégration réussie dans les territoires.

Une concertation citoyenne inégale, parfois absente

La loi APER imposait une concertation citoyenne, mais en laissant aux communes le soin d’en définir les modalités

  • Or, dans la grande majorité des cas, les formats retenus ont été minimalistes : annonces placardées en mairie, registres de remarques, publications sur le site internet de la commune. 
  • Un constat qui traduit le manque de moyens ou d’implication des collectivités. 

Du point de vue des développeurs, c’est d’autant plus regrettable que l’implication des citoyens est un levier majeur de l’acceptabilité des projets sur le long terme. La transition énergétique ne se décrète pas, elle se construit avec les territoires. 

  • En ouvrant un dialogue en amont, la concertation permet non seulement de désamorcer les tensions, mais aussi d’adapter les projets, de mieux répondre aux attentes locales et d’engager les habitants dans la durée.

Pistes d’amélioration 

Dans cette optique, plusieurs pistes d’avenir peuvent être envisagées :

  • Renforcer le rôle des intercommunalités, pour mutualiser les moyens, bénéficier d’une vision plus large du territoire, et accompagner les petites communes.
  • Clarifier les incitations pour les développeurs, afin que ces zones deviennent réellement attractives.
  • Mieux former et accompagner les élus, afin qu’ils disposent des clés de compréhension nécessaires pour prendre des décisions éclairées. 
  • Structurer davantage la concertation citoyenne, pour qu’elle devienne un véritable levier d’adhésion et non une simple formalité.

 

Conclusion : un chantier encore ouvert

Deux ans après l’entrée en vigueur de la loi APER, le bilan des ZAENR est mitigé. Si l’intention était louable, la mise en œuvre s’est heurtée à de nombreuses limites techniques, politiques et humaines. Les zones remontées à ce jour ne reflètent qu’imparfaitement le potentiel territorial réel, et les bénéfices attendus pour les porteurs de projets ou les communes restent flous.

Pour autant, ce travail n’a pas été vain. La cartographie des ZAEnR constitue un premier pas vers une planification énergétique plus démocratique, mieux ancrée localement. Elle a également permis de lancer le débat et obligé les communes à s’interroger, à débattre, et à s’emparer du sujet de la transition énergétique. 

Dans la relation avec les développeurs, cela change tout. Chez UNITe, nous continuons à croire que la transition énergétique ne peut se faire qu’avec les territoires. Les élus locaux sont nos premiers partenaires. Leur compréhension des enjeux, leur engagement et leur capacité à instaurer un dialogue constructif avec les citoyens sont donc des conditions clés pour faire émerger des projets EnR vertueux, durables et pleinement acceptés.

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