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« La petite hydroélectricité a besoin de volonté politique »

Stéphane Maureau , directeur général du groupe UNITe, producteur d’électricité renouvelable depuis 1985, revient sur la situation économique et politique de la filière de l’hydroélectricité en France. Environnement Magazine : Quel est le paysage de la petite
hydroélectricité française ?


Stéphane Maureau : L’hydroélectricité est la première électricité renouvelable de France, avec 26 GW de puissance installée, 59 TWh d’électricité produite par an, soit 12 % de la consommation nationale annuelle. Pour mémoire, l’éolien a produit 37 TWh en
2022 et le photovoltaïque, 15 TWh. Il existe 2 300 centrales hydroélectriques, dont moins de 100 grands barrages et plus de 2 200 centrales de « petite hydroélectricité ».
Cette dernière représente environ 10 % de la production hydroélectrique nationale, soit environ 6 TWh par an.
Quel est le rythme de développement de l’hydroélectricité en France ?
Le parc hydroélectrique évolue malheureusement très peu. Il existe peu de potentiel de croissance en grande hydroélectricité car les sites exploitables ont quasiment tous été équipés au cours du vingtième siècle. De plus, il s’agit d’ouvrages « monumentaux »
dont les impacts ne seraient pas acceptés aujourd’hui. En revanche, il existe un très grand potentiel de sites à équiper dans le segment de la petite hydroélectricité. Une étude publique réalisée par la Direction générale Energie et Climat, la Direction Eau et
Biodiversité et la Direction régionale de l’environnement de l’aménagement et du logement a identifié un potentiel permettant de produire près de 12 TWh supplémentaires par an.
Quels freins restent-ils à lever, selon vous ?
Les trois quarts de ce potentiel sont situés sur des cours d’eau « sanctuarisés » par un classement dit « en liste 1 » sur lesquels l’autorisation de construire est quasiment impossible à obtenir. Les professionnels de la petite hydroélectricité regrettent cette
situation, qui semble ne pas prendre en considération le fait qu’aujourd’hui, les ouvrages hydroélectriques peuvent être construits tout en assurant une bonne continuité écologique des cours d’eau.
Quels sont les principaux atouts de l’hydroélectricité ?
La production d’une électricité locale et décarbonée. Des ouvrages qui peuvent aujourd’hui être construits avec de faibles impacts environnementaux et un bon respect de la continuité écologique des cours d’eau. Des centrales qui contribuent à la stabilité
de la fréquence du réseau électrique. Enfin, dans le cas d’installations de type station de transfert d’énergie par pompage, l’hydroélectricité apporte une flexibilité précieuse : il est possible de stocker de l’énergie lorsque le réseau n’en n’a pas besoin et de restituer cette énergie en turbinant l’eau stockée lorsque le réseau en a besoin.
Comment expliquer le manque de politique volontariste pour le développement de l’hydroélectricité ?
La petite hydroélectricité est une technologie très mature. Bien sûr, il n’y a pas d’énergie sans impact, mais ceux de la petite hydroélectricité sont aujourd’hui connus et maîtrisés. Son développement pourrait reprendre, à condition qu’il y ait la volonté politique. La démarche consistant à éviter, réduire et compenser les impacts environnementaux d’un projet hydroélectrique est malheureusement souvent évaluée d’une manière déséquilibrée, ce qui conduit l’administration à avoir des exigences démesurées,
anéantissent souvent la viabilité des projets. La méthode et la durée d’instruction des dossiers sont telles que plus de 9 projets sur 10 sont abandonnés et celui qui aboutira à une construction aura connu 7 à 9 ans de procédures administratives !
Quels sont les principaux dossiers pour la filière actuellement ?
La France craint une pénurie d’électricité au cours des prochains hivers. Pas moins de 2 300 petites centrales hydroélectriques françaises sont prêtes à produire plus d’énergie renouvelable et donc à participer à l’équilibre du système électrique pour passer les
pointes de consommation. Il existe des leviers d’actions, simples et concrets, qui permettraient de produire rapidement plus d’hydroélectricité : maintenir les débits non turbinés au minimum légal pour préserver de façon suffisante la vie piscicole ; autoriser les augmentations de puissance des installations ; assouplir les conditions de construction de centrales hydroélectriques sur certaines rivières ; assouplir les règles de gestion des retenues d’eau ; débloquer administrativement les dossiers de remise en
service d’anciens sites ; et enfin, changer le mode de calcul des compléments de rémunération dans les appels d’offre de la Commission de régulation de l’énergie.


En quoi consiste votre programme de croissance ?
La croissance d’UNITe consiste à développer et construire des centrales de production d’électricité locale, durable et compétitive. C’est aujourd’hui en photovoltaïque que nous connaissons notre plus forte croissance. Nous développons et construisons des fermes photovoltaïques au sol, en ombrières ou en flottant. Pour cela, nous coopérons avec des propriétaires fonciers qui nous louent des terrains sur lesquels nous implantons des panneaux photovoltaïques que nous exploiterons pendant plus de 30 ans. Nous
coopérons aussi étroitement avec des agriculteurs : nous installons des panneaux sur des terres de culture, d’élevage ou de pisciculture, de telle sorte que l’agriculteur puisse maintenir son activité agricole, tout en bénéficiant d’un revenu complémentaire.


Environnement Magazine n° 1802
Le magazine pour les acteurs et décideurs du développement durable et des métiers de l’environnement.
dominique.lapierre@cision.com